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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 105

Le mardi 2 février 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 2 février 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction

Le décès de l'honorable Peter Bosa

Hommages

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, quand le jeune Peter Bosa est arrivé dans ce pays, en 1948, il faisait partie d'un torrent d'immigrants en provenance d'une Europe dévastée par la guerre. Témoin des horreurs de la guerre, il avait vécu l'ivresse de la libération alors que les Canadiens, les Britanniques et les Américains libéraient son pays du joug fasciste. En fait, il avait appris quelques mots d'anglais en travaillant comme garçon dans une base de la RAF dans le nord de l'Italie.

Natif de la région du Frioul, il ne pouvait savoir à l'époque que, trois décennies plus tard, en sa qualité de nouvelle recrue au Sénat du Canada, il contribuerait à recueillir plus de 4 millions de dollars pour venir en aide aux victimes d'un tremblement de terre qui devait dévaster les rues et les quartiers qu'il avait parcourus dans son enfance.

À son arrivée au Canada, à l'âge de 20 ans, Peter Bosa commença une vie nouvelle comme apprenti tailleur dans l'atelier de son père. Emporté par le dynamisme du Toronto florissant de l'après-guerre, sa propre carrière dans les assurances en plein essor, il se fit la voix de la communauté italienne avec une détermination absolue, une énergie sans borne et un tempérament fougueux, marques d'un homme hors du commun, qualités exceptionnelles qu'il mit au service d'un Canada multiculturel dont il devint un défenseur infatigable, ce Canada pour lequel il nourrissait une passion et un attachement inconditionnels.

Quinze jours avant Noël 1998, le sénateur Peter Bosa s'est éteint après une longue et courageuse lutte contre le cancer. Peter et son moral, sa force d'âme, sa détermination tranquille et inlassable, était un modèle pour chacun d'entre nous. Lorsqu'il est mort, nous avons tous partagé le chagrin de sa famille, nous rappelant la carrière de notre chaleureux collègue et ami qui était doué d'un coeur d'or et pour qui rien n'était jamais trop.

(1410)

On a dit qu'un de ces jours, quand la haute cour de l'histoire siégera pour juger bon nombre d'entre nous, consignant nos services et notre sens des responsabilités envers notre communauté et notre pays, consignant nos succès ou nos échecs, quel que soit le mode de vie que nous ayons choisi, la mesure de notre valeur en tant qu'être humain résidera dans les réponses données aux questions concernant les valeurs selon lesquelles nous avons tous décidé de vivre, soit les questions concernant le courage et le jugement, concernant la compassion et l'intégrité, concernant le dévouement et l'honneur.

Pour tous ceux et toutes celles qui ont eu le privilège de servir aux côtés du sénateur Peter Bosa, pour tous ceux et toutes celles qui ont eu le privilège d'être de ses amis, pour tous les membres de la communauté italo-canadienne envers laquelle il s'est dévoué infatigablement, pour toutes les cultures dont il a défendu si ardemment les profondes racines historiques, que ce soit à titre de président du Conseil consultatif canadien sur le multiculturalisme ou à titre de cofondateur de la chaire en études canado-italiennes à l'Université York, que ce soit à titre de conseiller municipal de sa bien-aimée cité de York ou ici, au Sénat du Canada, oui, les réponses jaillissant de toute la haute cour de l'histoire se feront l'écho de leurs éloges, parce que la contribution du sénateur Bosa à la population, à la communauté et au pays avait trait aux vraies choses de la vie. Sa contribution reflétait l'intégrité et l'honneur. Elle reflétait l'amour et le dévouement. Elle reflétait le courage, la compassion, l'équité et l'engagement.

Partout où il se rendait, il emportait ces valeurs avec lui, plus particulièrement en sa qualité de président de l'Union interparlementaire, poste qu'il a envisagé comme une autre importante étape dans l'évolution de la compréhension humaine à l'échelle planétaire, poste dont il s'est servi pour mener activement la bataille en faveur de l'interdiction des mines terrestres, entre autres, poste pour lequel il a reçu les hommages de Juan Carlos, roi d'Espagne.

Tout au long de sa brillante carrière au Sénat, le sénateur Peter Bosa a compris que notre force résidait dans notre diversité et que le succès de notre unité était attribuable à notre tradition de tolérance, de paix et de coopération. Il a consacré une bonne partie de sa vie à son rêve de faire de notre fédération un modèle pour le reste du monde, un tout harmonieux, un pays paisible qui serait davantage que la somme de ses parties, un grand pays où l'ouverture d'esprit et l'ouverture des coeurs seraient choses aussi naturelles que l'air que nous respirons.

Honorables sénateurs, le sénateur Bosa a insufflé cet esprit au Sénat au cours des années durant lesquelles il a servi comme whip adjoint du gouvernement et a joué un rôle actif à de nombreux comités, notamment le comité de la politique et des programmes des langues officielles, le comité des affaires juridiques et constitutionnelles, le comité des banques et du commerce et le comité des affaires étrangères. Il a également été vice-président du comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Voilà l'esprit et la contribution auxquels nous rendons hommage aujourd'hui et qui nous manqueront certainement dans l'avenir.

En dépit de sa réussite, Peter n'a jamais oublié qu'on pouvait trouver le bonheur dans la nature, dans le simple plaisir de cultiver des légumes italiens dans son jardin ou encore dans le plaisir de fabriquer son propre vin, ce qu'il a fait toute sa vie.

Tous les grands auteurs ont écrit sur le bonheur, mais je crois que le sénateur Bosa aurait bien compris la merveilleuse simplicité du psaume 65:12 dont voici le texte:

 

[...] les collines sont bordées d'allégresse; les prairies se revêtent de troupeaux, les vallées se drapent de froment, les cris de joie, ô les chansons.
Peter, ton souvenir évoquera toujours pour nous des jardins verdoyants où brille le soleil, des vallées qui se drapent de froment, un endroit où la souffrance n'existe plus et où les collines sont bordées d'allégresse.

Ceux d'entre nous qui ont pu assister aux funérailles du sénateur Bosa ont pu se rendre compte à quel point il était aimé et estimé, non seulement des membres de sa famille et de ses amis, mais de l'ensemble de la communauté et de nombreuses personnes de l'extérieur du Canada qui sont venues lui rendre hommage.

Nous adressons nos sincères condoléances à votre charmante femme, Teresa, ainsi qu'à vos enfants, Angela et Mark, et à toute votre famille. Reposez en paix, cher ami.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, nous rendons aujourd'hui hommage à un homme que nous avons eu le privilège d'avoir pour collègue et ami, le regretté sénateur Bosa. Nous avons profité de ce que son destin l'ait amené au Canada et à cette Chambre du Parlement. Le chemin qu'il a parcouru a été marqué par diverses étapes qui l'ont amené successivement à s'intéresser aux affaires communautaires, municipales, sociales et enfin de la nation. Sa foi dans la dignité et la valeur de l'être humain a été son bâton de pèlerin, sa boussole de pilote et son épée de soldat.

Je garderai de Peter le souvenir d'un excellent sénateur, d'un homme d'une grande sensibilité, d'un homme qui possédait un jugement et une volonté remarquables. Ce sont ces qualités qui l'ont toujours guidé.

Son loyalisme politique ne faisait aucun doute. Malgré cela, il a toujours préféré la coopération entre partis à l'origine d'un grand nombre d'accomplissements de cette institution. Les comités de cette Chambre ont bénéficié de sa participation assidue à leurs travaux. Le leader du gouvernement au Sénat a mentionné en particulier, il faut le souligner, le rôle prédominant qu'a joué le sénateur Bosa au niveau des affaires sociales.

Ce fier Canadien, originaire de la région du Frioul, en Italie, a contribué à l'énorme succès de la société canadienne dans l'édification d'une grande nation multiculturelle et métropolitaine. Nous remercions cet aimable et doux Canadien de son amitié et de ses conseils. Le Parlement, tout comme le Canada, est devenu meilleur parce qu'il nous a accompagnés sur le chemin de la vie.

Honorables sénateurs, avec votre permission, je voudrais dire, de ma façon toute personnelle, aux membres de la famille du sénateur Bosa:

[Français]

(Note de l'éditeur: Le sénateur Kinsella poursuit en italien - voici la traduction.)

Honorables sénateurs, pour nous tous, représentants du Sénat du Canada, Pietro n'était pas seulement le collègue fiable et dévoué mais aussi, et peut-être surtout, l'ami prêt à vous écouter.

C'est avec une grande tristesse que nous avons suivi ses derniers mois, si difficiles, et nous adressons à sa famille nos pensées affectueuses en ces moments pénibles.

C'est vrai: le grand-père, le père, le mari... n'est plus, mais il est sans aucun doute réconfortant de penser qu'un repos d'un autre ordre l'attend. Un repos sans préoccupation ni déception qui procure, finalement, cette paix profonde que méritent les justes, comme Pietro.

Merci, Pietro, d'avoir été l'un des nôtres...

[Traduction]

Peter, vous qui êtes un homme épris de justice et de paix, puissiez-vous reposer en paix et en sécurité dans les bras d'Abraham.

[Français]

(1420)

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il est évident que nous aimions beaucoup le sénateur Bosa. C'est un ami que je perds. Je l'ai connu en 1964 lorsque je suis arrivé comme député de Montréal-Saint-Denis, pour remplacer celui qui est devenu sénateur, l'honorable Azellus Denis. J'avais évidemment beaucoup de difficultés à comprendre les problèmes du multiculturalisme et de l'immigration.

Un des moments de fierté dans la vie de Peter Bosa était lorsqu'il nous parlait de son rôle comme adjoint spécial au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, le très regretté, j'insiste sur ce dernier mot, Guy Favreau. Celui-ci avait abandonné la pratique du droit, alors qu'il serait devenu juge de la Cour suprême, à la demande de Lester B. Pearson, pour venir servir le Canada comme leader des députés libéraux du Québec à la Chambre des communes. L'honorable Peter Bosa était son adjoint spécial.

Peter Bosa m'a guidé à travers la bureaucratie en ce qui concernait l'immigration. Je lui suis reconnaissant de son aide lors de mes débuts à la Chambre des communes. Ensuite, nos chemins se sont distancés.

Il fut le deuxième sénateur d'origine italienne nommé au Sénat par le Très honorable Pierre Elliott Trudeau. Le premier, le regretté Pietro Rizzutto, avait été nommé en décembre 1976.

En 1967, nous nous sommes retrouvés au caucus libéral et nous nous sommes impliqués dans l'Union parlementaire internationale. C'est grâce à son appui, à cette époque, que je suis devenu président de l'Union parlementaire internationale pour la section canadienne. Il avait fait campagne pour moi comme président à la Commission politique internationale sur le désarmement et les affaires politiques de l'Union parlementaire internationale. En retour, je lui avais donné mon appui lorsqu'il est devenu vice-président et président de l'Union parlementaire internationale, section canadienne.

Je connais intimement sa famille. J'ai voyagé avec son épouse, Teresa, et son fils, Mark, à l'occasion de réunions de l'Union parlementaire internationale. Lors de l'une de ces réunions, une délégation de 27 personnes avait passé 15 jours en Chine. Peter Bosa avait été d'une utilité extraordinaire, parce que ce n'est pas facile de diriger des collègues de tous les partis politiques. Cela a été une visite extraordinaire. Récemment, nous nous sommes retrouvés en Corée, Peter, son fils, son épouse et moi. Nous avons découvert ensemble la Corée du Sud et du Nord.

Nous regrettons le départ de notre ami. Je me joins aux sénateurs Kinsella et Graham pour offrir à Teresa, Angela et Mark nos plus vives sympathies et le témoignage de notre amitié.

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je voudrais ajouter ma voix à celle des autres sénateurs pour rendre hommage à un excellent sénateur et à un homme extraordinaire, le regretté Peter Bosa, décédé d'un cancer en décembre dernier.

Au cours de ma carrière, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui considérait la nomination au Sénat avec plus de fierté que le sénateur de York-Caboto. Cette nomination était pour lui un grand honneur. Il a toujours été un homme d'honneur. Pendant les 21 années au cours desquelles il a siégé au Sénat, son engagement en tant que représentant de l'Ontario, de Toronto ou de la communauté italienne, mais surtout, en tant que citoyen canadien, a toujours été indéfectible.

Peter Bosa n'a jamais oublié ses racines, en Italie, où il retournait fréquemment pour prêter assistance et soutien à ses anciens compatriotes, en particulier ceux de la région qui l'a vu naître. Cependant, l'affection intense qu'il ressentait pour ses concitoyens canadiens et son amour pour notre pays étaient une source d'inspiration pour tous ceux qui le connaissaient.

Sa participation au Sénat était entière. Mon collègue, le leader du gouvernement au Sénat, a mentionné la liste des comités auxquels Peter a siégé. Je me rappelle du sénateur Bosa tout particulièrement pour les années où il a siégé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dont il est devenu en fin de compte le vice-président. Ce comité l'a conduit enfin au comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, qui a présenté un rapport important au cours des dernières semaines.

Sur le plan personnel, Peter était un ami. Je le connaissais depuis le début des années 60, lorsque j'étais journaliste à la tribune de la presse et qu'il était adjoint spécial du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, René Tremblay. Les journalistes ne faisaient pas beaucoup d'argent à cette époque et j'avais l'habitude de monter avec Peter pour me rendre à Toronto afin de rendre visite à ma soeur. Durant le trajet, nous discutions longuement des grandes questions de ce monde.

Même si Peter était toujours un ardent défenseur du Parti libéral du Canada, il était également un libéral au sens large du terme, qui croyait fermement dans le rôle du gouvernement et des particuliers lorsqu'il s'agissait d'aider ceux qui en ont le plus besoin. Il n'a jamais oublié cela. C'est probablement dû à son énorme fierté d'être Canadien et également au fait qu'il avait vu son pays dévasté par la guerre, dans sa jeunesse.

Au fil des ans, j'ai profité énormément de sa sagesse et de son bon sens. Lorsque j'ai eu le privilège d'être leader du gouvernement au Sénat, nous, de ce côté-ci, étions dans une position très minoritaire la plupart du temps. Mes collègues d'en face savent fort bien à quel point cela est difficile. Étant donné qu'il faut que tous les parlementaires soient présents en tout temps, le rôle du whip devient particulièrement exigeant. J'ai toujours été reconnaissant à Peter de l'aide supplémentaire qu'il a offerte à notre caucus à ce moment-là.

Comme nous le savons tous, il a livré une bataille qu'il ne pouvait gagner contre le cancer, avec beaucoup de courage, entouré par un cercle d'amis et de parents qui lui apportaient l'amour et la force dont il avait besoin. J'espère qu'ils se réjouiront du fait que Peter Bosa était énormément respecté dans cette enceinte. Il va beaucoup nous manquer et nous ne l'oublierons jamais.

Je veux moi aussi offrir à son épouse, Teresa, ses enfants Angela et Mark et toute sa famille nos plus vives condoléances. J'adresse également mes condoléances à la communauté canadienne d'origine italienne pour la perte d'une voix forte et sage au Parlement.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage, à l'instar de tous mes collègues au Sénat, à notre regretté collègue, Peter Bosa. Sa mort prématurée, le 10 décembre, a été une perte terrible non seulement pour sa famille aimante, mais également pour le Sénat et le Canada.

(1430)

Nous avons effectivement gagné, en 1948, après la guerre, lorsque Peter Bosa, alors âgé de 19 ans seulement, est venu d'Italie au Canada. Il est devenu un fier Canadien tout en demeurant fier de son patrimoine italien. Il a manifesté sa fierté en consacrant une grande partie de sa vie à des projets communautaires, des activités de bienfaisance et, bien sûr, au service public. C'est le Canada qui devrait être fier de lui.

Après avoir travaillé dans le secteur du vêtement et s'être taillé une belle carrière dans les assurances, il est passé à la politique municipale et a siégé au conseil municipal de York pendant sept ans. Il a alors décidé de chercher de nouveaux horizons. En février 1977, il était nommé à la présidence nationale du Conseil canadien du multiculturalisme. En avril de la même année, il était appelé à siéger au Sénat.

Tant au Sénat qu'ailleurs, le sénateur Bosa a continué d'être un défenseur infatigable du multiculturalisme canadien. Il a sauvé de l'abstrait cet élément clé de l'identité canadienne, en parlant en des termes que tous les Canadiens pouvaient comprendre et qui leur disaient quelque chose.

Je tiens à citer aux sénateurs un extrait de son premier discours au Sénat, qu'il a prononcé le 26 mai 1977. Il y disait ceci:

 

Cette reconnaissance du multiculturalisme ne s'applique pas qu'aux groupes minoritaires ou aux «groupes ethniques» comme certains semblent le croire, elle s'applique à tous les Canadiens. Quand ils regardent l'ensemble des gens qui participent au multiculturalisme ils peuvent se voir eux-mêmes, ce qui leur permet de sentir qu'ils font partie du tissu de la société canadienne. C'est un sentiment intense [...] qui inspire la loyauté envers le Canada et un plus grand dévouement à l'unité nationale.
Par suite de son dur labeur et de son dévouement, le sénateur Bosa est devenu une institution au sein d'une institution longtemps avant mon arrivée ici. Toutefois, j'ai eu le privilège de connaître Peter pendant huit de ses 21 ans au Sénat. Et je m'en réjouirai toujours.

Il était vraiment une personne spéciale. Il était juste, consciencieux et féru de questions sociales, sans mentionner qu'il était tout simplement gentil. Il était aussi un golfeur, ce qui est toujours pour moi un bon point. Le sénateur Bosa avait un excellent caractère. Il avait un merveilleux sens de l'humour.

Je me souviens d'avoir présidé le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, pendant l'étude du projet de loi C-41. Nous participions alors un peu au jeu politique. C'était une époque très intéressante pour tous les sénateurs. Le sénateur Bosa a passé plus de temps à essayer de me convaincre de rappeler le comité quand il siégeait de ce côté-ci plutôt qu'en face. Il le faisait toujours en véritable gentleman, d'ailleurs. Mes collègues avaient décidé qu'ils seraient mieux de lui offrir une carte de membre du Parti progressiste-conservateur, ce qui l'a beaucoup amusé.

J'ai encore plus goûté sa compagnie quand nous avons voyagé ensemble, en tant que membres du comité.

L'honorable Peter Bosa était sans contredit l'un des sénateurs les plus distingués, jouissant non seulement du respect, mais aussi de l'affection des sénateurs des deux côtés parce qu'il était un sénateur appliqué et très humain.

Honorables sénateurs, je sais que vous vous joindrez à moi pour exprimer notre gratitude à Teresa, Angela et Mark, qui ont partagé leur époux et leur père avec nous et avec tout le pays, et pour leur offrir nos sincères condoléances.

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, j'ai le coeur lourd en me joignant à vous aujourd'hui pour rendre hommage à l'un des nôtres, un homme que j'ai beaucoup admiré, un ami et un conseiller dont je garderai un précieux souvenir.

Peter Bosa était la modestie personnifiée. Il avait le don de convaincre en douceur. C'était un homme raffiné et intègre. Il savait économiser les mots, hocher la tête gentiment et écouter attentivement.

Je dois reconnaître que rencontrer Peter inopinément dans la vie de tous les jours au Parlement donnait l'impression d'être au centre de ses préoccupations et de ses intérêts, parce qu'il avait le don de mettre les gens à l'aise. Il faisait toujours attention aux autres, s'empressant de demander «Comment ça va?», toujours prêt à ajouter un mot d'encouragement.

Oui, c'était un homme affable d'une calme dignité, qui respectait les opinions des autres, même quand elles s'opposaient aux siennes.

[Français]

Honorables collègues, en plus de ses riches racines italiennes, ce qui distinguait Peter Bosa, c'était l'intérêt sincère qu'il portait à celui ou à celle avec qui il se trouvait, c'était son implication complète dans ses dossiers, son profond respect des différences.

Oui, Peter était par-dessus tout un homme du peuple. Son épouse, Teresa, leurs enfants, Mark et Angela, leur gendre, Tom, et leur petit-fils, Tom junior, ont raison d'être fiers des nombreuses réalisations de cet homme généreux et modeste. Alors avec vous, honorables sénateurs, ici aujourd'hui, je dis: «Au revoir, cher ami, goodbye dear friend, arrivederci caro amico».

[Traduction]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, il y a 250 ans, en 1744, un professeur italien, inconnu et sans le sou, Giambattista Vico, qui avait rédigé un ouvrage collossal, Scienza nuova, ou «Nouvelle Science», est décédé non loin de son lieu de naissance à Naples. Comme Thoreau, il n'a pas eu de son vivant à voyager très loin de l'endroit où il est né pour étudier les grandes idées des Anciens. Pourtant, son imagination, sa «fantasia», comme il l'appelait, a ouvert un nouveau monde de la pensée.

De nombreux observateurs modernes considèrent Vico et son chef-d'oeuvre «Nouvelle Science» comme étant le fondement de l'analyse historique moderne. Vico a étudié l'histoire d'un point de vue particulier. Il croyait que l'histoire ne pouvait être comprise que si l'on regardait le monde en faisant une analyse méthodique et détaillée de chaque culture. Chaque culture avait une contribution unique à faire à l'histoire et à la civilisation.

Dans son essence, l'oeuvre de Vico était la première dialectique moderne du pluralisme culturel. Notre ami, Peter Bosa, dans sa vie et dans son travail, était un exemple parfait des thèses de Vico.

Peter est né en 1927 dans le Frioul, une région frontalière isolée du nord-est de l'Italie, tout près de l'Autriche et de la Yougoslavie. Cette région n'a été annexée à l'Italie qu'en 1866. C'est une région agitée qui a été dominée successivement par Venise, Rome, le Vatican, Vienne et enfin Rome de nouveau. Elle a tout d'abord fait partie de la région de Venise, puis a été annexée à l'empire austro-hongrois pour ensuite passer sous la domination de la monarchie italienne. En fin de compte, elle est devenue partie de la république italienne.

Il n'est donc pas étonnant que la société frioulienne aient été divisée au cours de ce siècle, qu'elle ait été tiraillée entre les «rouges» et les «noirs», l'Église et le socialisme, la droite et la gauche, et encore plus divisée par l'apparition périodique des mouvements séparatistes. C'est dans ce foyer des loyautés écartelées, à Udine, alors capitale du Frioul, que Mussolini a abandonné en 1922 ses prétentions républicaines pour entreprendre sa démarche vers la droite.

Les Friouliens sont un peuple robuste et passionné composé d'hommes et de femmes courageux, des montagnards et de petits agriculteurs. Au cours des nombreuses périodes de dépression et de troubles politiques qui se sont succédé, les Friouliens ont commencé à émigrer. Bon nombre d'entre eux sont venus au Canada. À Toronto, les Friouliens représentent une minorité de Canadiens d'origine italienne comptant pour environ 50 000 des 750 000 Italiens du pays. Ils ont toutefois créé de forts liens entre eux et n'ont jamais oublié leurs racines ou leur dialecte particulier.

De cette ambitieuse minorité, une majorité de dirigeants et d'hommes d'affaires d'origine italienne se sont installés à Toronto. Peter Bosa était une personnalité bien connue, l'une des figures très respectées et très admirées de cette communauté active au sein de la communauté.

Comme il a déjà été souligné, lorsqu'un tremblement de terre a sévi dans son Frioul natal, Peter a dirigé les efforts humanitaires entrepris pour venir en aide à cette malheureuse région. Peter aimait sa famille et la communauté dans laquelle il vivait au Canada. Il a apporté une perspective sage et modérée, bien que perspicace, à tous les problèmes auxquels sa communauté, son pays et son église ont dû faire face. Il avait un sens européen de l'esthétisme.

Il parlait couramment l'italien, bien sûr, ainsi que l'anglais, le français, l'espagnol et l'allemand. Il pouvait apprendre rapidement des dialectes. Il étudiait avec enthousiasme les questions sociales et les affaires étrangères et il a servi avec distinction à titre de représentant du Canada au sein d'organismes internationaux comme l'UIP et l'OTAN. Son expérience personnelle comme immigrant et comme étudiant de l'histoire de l'Italie et de l'Europe en avait fait un ardent fédéraliste et un ennemi implacable du séparatisme.

Peter était profondément engagé dans des activités intellectuelles, notamment la théologie, la philosophie, la politique et la littérature. Il lisait beaucoup et allait au fond des choses. Pourtant, il était autodidacte. Lorsqu'il est arrivé au Canada, il était un jeune immigrant n'ayant qu'une éducation fragmentaire.

J'ai rencontré Peter pour la première fois en 1961, lorsqu'il travaillait pour Walter Gordon, dans la circonscription de Davenport, au coeur de la «petite Italie». Nous sommes rapidement devenus des amis. Nous avons été membres ensemble de l'Association libérale de Toronto et de la région et nous avons travaillé ensemble au sein des comités du multiculturalisme, de la main-d'oeuvre et de l'immigration. Nous étions tous deux issus de groupes minoritaires et nous avions tous deux la profonde impression d'être étrangers à la société majoritaire. Nous sommes tous deux venus à Ottawa au milieu des années 60 pour travailler comme adjoints de ministres pendant l'ère Pearson. Les liens très forts qui nous unissaient ont été ravivés lorsque je suis venu rejoindre Peter au Sénat.

Je crois que Peter a été le premier Canadien d'origine italienne nommé au Sénat et je sais que ce fut une des plus grandes fiertés -- sinon la plus grande fierté - de sa vie. D'autres ont souligné sa contribution aux travaux du Sénat. Il suffit de dire qu'il a assumé cet honneur avec aisance et distinction.

Peter était un homme gentil à tous les égards. Même s'il s'exprimait avec modération, il avait des convictions profondes et des croyances absolues. Il a été un pilier infatigable et sûr d'un petit groupe d'activistes libéraux qui animait le Parti libéral sur tous les fronts. Il n'a jamais oublié ses origines humbles, l'endroit d'où il venait, le chemin qu'il avait accompli et les membres de la société qui avaient eu moins de chance que lui.

Peter aimait tout ce qui est italien. Il aimait boire du vin. Il aimait en faire. Il aimait le jardinage, la cuisine, les amis, la musique, l'opéra, notamment les chansons du folklore frioulien, mais surtout, sa famille, sa femme Teresa qui l'adorait, ses deux charmants enfants, Angela et Mark, ainsi que ses petits-enfants.

Lorsque, récemment, la maladie l'a frappé si soudainement et sauvagement, il est resté calme et tranquille et a été un exemple pour tous. Il voulait seulement se rétablir suffisamment pour pouvoir reprendre son travail au Sénat. Il aimait le Sénat et tous ses travaux. Il est resté un homme distingué, qui tentait de persuader en douceur. Sa sagesse, son humour tranquille et le plaisir de sa compagnie nous manqueront grandement et resteront à jamais gravés dans notre mémoire.

Arrivederci, Pietro. Pax vobiscum.

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je voudrais simplement faire une brève déclaration au sujet de mon ami, le sénateur Bosa. Il y a 21 ans, quatre d'entre nous sommes entrés ensemble au Sénat, ayant été nommés en même temps en 1977, soit les sénateurs Frith, Olson, Bosa et moi-même. Le printemps dernier, cela a fait 21 ans que Peter était mon voisin de fauteuil.

Il me disait toujours: «Willie, quand allez-vous m'inviter à la pêche dans le Nord?» Enfin, il y a environ un an et demi, en juin, Peter, son fils Mark et moi sommes allés à Rankin Inlet pour pêcher l'omble. Il a aimé cela de toute évidence. Comme c'est souvent le cas à cette saison de l'année, le temps était assez mauvais. Nous sommes montés dans nos Honda quatre roues motrices. Le terrain était très accidenté et très boueux. Mark, son fils, conduisait, alors que lui était à l'arrière. Nous avons dormi deux nuits sous la tente. Je sais que cela lui a beaucoup plu. Il était là, à Rankin Inlet, en train de manger de l'omble de l'Arctique.

Seuls deux autres sénateurs m'ont accompagné dans le Nord depuis que je suis ici - le sénateur Hébert, maintenant retraité, et le sénateur Mercier, qui a pris sa place. Nous avons dormi dans un igloo le 1er avril à Igloolik.

Le sénateur Bosa était un ami très proche depuis près de 21 ans et il me manque beaucoup. J'ai assisté, en compagnie d'autres sénateurs, à ses funérailles qui se sont tenues à Toronto, à la fin de l'année dernière, durant le congé des fêtes. J'offre mes sincères condoléances à sa famille.

L'honorable Eugene Whelan: Honorables sénateurs, je connaissais Peter depuis 1963, c'est-à-dire depuis près de 35 ans. Les honorables sénateurs ont dit beaucoup de choses sur Peter ici aujourd'hui et je ne vais donc pas répéter leurs propos. J'ajouterai simplement qu'il était pour moi une des plus belles incarnations de ce qu'on appelle un grand Canadien.

Son Honneur le Président: J'invite les honorables sénateurs à se lever et à observer un moment de silence en mémoire de notre collègue et bon ami, le sénateur Peter Bosa.

(Les honorables sénateurs se lèvent et observent un moment de silence.)

 

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous souhaite à tous la bienvenue à l'occasion de la reprise de la session. J'évite de parler de «reprise des travaux du Sénat» car je sais que de nombreux sénateurs sont demeurés actifs au sein des comités durant la période des vacances.

Je suis heureux de retrouver tous les sénateurs et tout le personnel.

[Français]

C'est un plaisir de vous revoir et j'espère que pour les prochains mois, nous aurons des séances pleines de sérénité et de bonheur.

 


[Traduction

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat du Canada, je donne avis oral que je soulèverai une question de privilège cet après-midi. Plus tôt aujourd'hui, conformément au paragraphe 43(3) du Règlement du Sénat du Canada, j'en ai donné un préavis par écrit au greffier du Sénat. Je demanderai à Son Honneur le Président, au moment opportun, de statuer sur les faits que j'exposerai alors en détail et de juger si une question de privilège paraît fondée à première vue.

L'affaire concerne une publication extrêmement choquante, la revue Hustler, et plus particulièrement son dernier numéro qui traite des travaux du Parlement du Canada, nommément un projet de loi que nous avons reçu de l'autre endroit à l'étape de la première lecture et dont nous avons tous une copie. Je fais ici référence au projet de loi sur les éditions à tirage dédoublé. Je crois que c'est une grave atteinte au privilège parlementaire, qui exige que tous les parlementaires qui tiennent à l'intégrité du régime parlementaire canadien fassent leur devoir. Aucun d'entre nous, ici au Canada, n'est à l'abri de l'intimidation et de la menace qui pourraient peser sur les représentants au Congrès américain, même s'il s'agit d'une culture différente et d'un régime gouvernemental différent, à cause des principes associés au magazine Hustler. C'est une publication méprisable qui véhicule un message méprisable nuisant à la tenue d'un débat libre au Parlement. Je soulèverai cette question au moment opportun, plus tard aujourd'hui.

(1450)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a donné avis qu'il soulèvera la question de privilège, conformément au Règlement du Sénat du Canada, et le Sénat entendra son intervention plus tard aujourd'hui - au plus tard à 20 heures ou immédiatement après avoir épuisé l'ordre du jour.

 

Le mois de l'histoire des Noirs

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, février est le Mois de l'histoire des Noirs. Comme je l'ai déjà dit en cette enceinte, on a désigné février Mois de l'histoire des Noirs afin de reconnaître, faire connaître, célébrer et honorer les réalisations des Noirs. Le concept remonte à 1926 aux États-Unis et avait reçu l'appellation de «Mois de l'histoire des Nègres», qui avait été proposée par Carter G. Woodson, un éducateur et un éditeur noir qui vivait à New Canton, en Virginie. Il estimait que les manuels courants d'histoire dans les écoles américaines ne tenaient à peu près aucun compte des réalisations positives des Noirs. À son avis, la seule façon de célébrer cette riche culture consistait à sortir du curriculum ordinaire et à créer des événements spéciaux pour attirer l'attention sur l'histoire des Noirs aux États-Unis. Je partage son opinion.

J'aimerais vous signaler certains points de cette riche histoire aujourd'hui pour marquer le Mois de l'histoire des Noirs, mais il y a une autre question urgente que je dois vous signaler, à savoir l'avenir de la Fondation canadienne des relations raciales, qui est toujours menacé.

Le gouvernement libéral de Jean Chrétien a présenté un projet de loi, actuellement à l'étude à l'autre endroit, visant à vider de sa substance l'objet et la mission de la fondation.

C'est l'ancien gouvernement progressiste-conservateur qui a promis de créer la Fondation canadienne des relations raciales, organisme indépendant du gouvernement, dans le cadre de son règlement global avec les Canadiens d'origine japonaise. Après bien des atermoiements, l'actuel gouvernement libéral a mis en vigueur en 1996 la loi établissant cette fondation, dont le mandat était très vaste. J'ai lancé un avertissement à l'époque: quelle que soit la portée de son mandat, la fondation ne serait efficace que si elle était dotée d'un conseil d'administration compétent et de ressources suffisantes.

Honorables sénateurs, j'ai besoin de votre aide, car je n'aurais jamais pensé que la première chose que le gouvernement ferait, après avoir nommé le conseil d'administration, serait de vider le mandat de la fondation de toute substance.

À cause des changements proposés au projet de loi C-44, la fondation n'aura plus pour mission de prendre les devants dans la lutte contre le racisme; elle ne sera plus qu'un simple spectateur passif. Elle est dépouillée de son rôle initial de «promotion de l'élaboration d'une politique et de programmes efficaces pour l'élimination du racisme et de la discrimination raciale». Si le projet de loi C-44 est adopté, la fondation ne sera plus qu'un centre d'information. Elle sera privée de son rôle principal de consultation et de collaboration avec les entreprises, les syndicats, les organismes bénévoles et communautaires et toute autre organisation.

Le 20 septembre, lorsque j'ai demandé au leader du gouvernement au Sénat ce qu'il avait l'intention de faire à propos de la destruction du mandat de la Fondation canadienne des relations raciales, il a déclaré que son gouvernement croyait que tous les êtres sont égaux, qu'ils fassent partie ou non d'une minorité.

Le 19 novembre, j'ai informé le leader du gouvernement au Sénat que son gouvernement avait accepté de modifier certaines dispositions du projet de loi C-44 qui touchaient au mandat de Radio-Canada. Que nous a-t-il alors répondu? Il a affirmé qu'il avait abordé la question avec le ministre responsable et qu'il allait, encore une fois, porter mes observations à l'attention du ministre.

Le 26 novembre, en réponse à une autre de mes questions à ce sujet, le leader du gouvernement est allé jusqu'à dire qu'il était de ceux qui croyaient que le mandat de la Fondation des relations raciales devait être préservé. Cette fois-là, il a ajouté qu'il allait soumettre des instances «véhémentes et opportunes» au ministre responsable.

Enfin, le 9 décembre, il a déclaré au Sénat, en réponse à une autre question, que «le gouvernement n'a pas encore décidé comment il allait procéder».

Honorables sénateurs, le gouvernement n'a rien fait devant les questions que j'ai posées et les questions qui ont été soulevées à l'autre endroit. La communauté multiculturelle du Canada veut que le gouvernement réagisse. Elle veut que le gouvernement garde la Fondation des relations raciales intacte afin qu'elle puisse accomplir son travail efficacement.

La communauté multiculturelle surveille la situation. Elle veut voir si le leader du gouvernement au Sénat tiendra promesse.

[Français

La Semaine du développement international

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, cette année, la Semaine du développement international fut lancée le 31 janvier et prendra fin le 6 février 1999. Le thème de cette année, «Célébrons la place du Canada dans le monde», vient souligner la contribution des Canadiens au développement international.

Au programme des activités prévues dans le cadre de cette semaine, j'aimerais souligner que l'Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement, dont je suis coprésidente, en collaboration avec la Société canadienne pour la santé internationale, fera une présentation, intitulée: «Maternité sans risque» au Pakistan et en Indonésie en compagnie de la photographe émérite Nancy Durrell McKenna.

De plus, notre collègue, le sénateur Andreychuk, sera la conférencière invitée de cette présentation qui aura lieu jeudi, le 4 février, à 10 heures, à la pièce 238-C de l'édifice du Centre. J'invite tous les sénateurs à assister à cette présentation, plus particulièrement tous ceux et celles qui s'intéressent au développement international.

Quant à moi, je serai à La Haye, aux Pays-Bas, pour assister au Forum international des parlementaires sur la révision de la Conférence internationale sur la population et le développement, (CIPD+5). Le but de cette rencontre est de permettre au Canada et aux autres pays participants de présenter la position de leurs politiques et plans d'action en matière de population et de développement depuis la Conférence internationale sur la population et le développement qui s'est tenue au Caire en 1994. J'y présenterai une allocution sur la santé sexuelle des adolescents.

En terminant, je tiens à souligner l'excellent travail des Canadiens et des Canadiennes au sein des ONG, des divers ministères fédéraux, du domaine universitaire et des bénévoles du Canada qui se dévouent à la cause du développement international, que ce soit à l'échelle nationale ou internationale.

Partout dans le monde, des milliers de collectivités ont besoin de l'entraide et de l'expertise des Canadiens afin d'améliorer leurs conditions de vie, soit en éducation, en santé, en environnement ou en d'autres domaines qui améliorent leur qualité de vie.

[Traduction

L'Alberta

La croissance démographique et économique-La protection de la qualité de vie

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, les vacances de Noël m'ont donné l'occasion de réfléchir à la façon dont la forte croissance économique de l'Alberta contribue à renforcer le Canada dans son ensemble.

Depuis que je suis devenu sénateur, j'ai rencontré le premier ministre Ralph Klein, le maire Bill Smith d'Edmonton, le maire Al Duerr de Calgary et Jim Edwards, président-directeur général de l'organisme Economic Development Edmonton. Ces dirigeants et leurs collègues font avancer l'Alberta afin que la province joue un rôle dynamique dans le Canada du troisième millénaire.

Déjà, l'Alberta a dépassé la Colombie-Britannique comme troisième centre en importance au Canada de fabrication non axée sur les ressources. Les statistiques concernant la croissance de Calgary et d'Edmonton sont impressionnantes et on assiste à une forte migration de la population vers l'Alberta. Ces deux grandes villes et les autres centres plus petits connaissent une vague de changements.

Cette forte activité économique amène cependant une série de problèmes reliés à la qualité de la vie dans la province, notamment en ce qui concerne les transports, le logement, la santé, l'éducation et les services sociaux. Ce sont des problèmes de plus en plus grands qui sont à la base de notre approche à l'égard d'une nouvelle union sociale au Canada.

(1500)

Comment peut-on utiliser les deniers publics pour améliorer la qualité de vie dans les collectivités locales où les gens vivent tout en s'assurant de protéger et de promouvoir les normes nationales? C'est un grand défi que nous devons relever alors que les gouvernements fédéral et provinciaux s'entendent sur de nouvelles dispositions pour utiliser les deniers publics disponibles pour répondre aux besoins les plus pressants.

Les collectivités locales ont besoin de plus d'argent pour financer les services nécessaires aux gens pour assurer leur qualité de vie. Les gouvernements provinciaux doivent avoir davantage de latitude pour affecter les deniers publics à la santé, à l'éducation et aux besoins sociaux. Le gouvernement fédéral doit garantir une égalité des normes qui va favoriser l'unité nationale. Pour des raisons politiques et économiques, l'Alberta est un cas type pour ce qui est de voir à quel point tous les ordres de gouvernement peuvent régler les questions reliées à la qualité de vie. On ne pourra pas régler ces questions qui ont des répercussions si importantes sur la vie quotidienne des gens de tout le pays en adoptant une position partisane, mais bien en faisant passer le bien commun des Canadiens au premier plan de la politique publique.

 


AFFAIRES COURANTES

La Bibliothèque du Parlement

Dépôt du rapport annuel du bibliothécaire du Parlement

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel du bibliothécaire du Parlement pour l'exercice 1997-1998.

 

Sécurité et services de renseignement

Le rapport du comité spécial-La confirmation du dépôt-Motion d'étude

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 8 décembre 1998, j'ai déposé le rapport du comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignement auprès du greffier du Sénat le 14 janvier 1999.

Honorables sénateurs, je propose: Que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain, 4 février 1999.

(Sur la motion du sénateur Kelly, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain, 4 février 1999.)

 

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose, appuyée par l'honorable sénateur Graham:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, mercredi 3 février 1999, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

La Loi sur la sécurité ferroviaire

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-58, Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et une autre loi en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance de jeudi prochain.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

La Société de développement du Cap-Breton

L'annonce de la fermeture de la mine-La possibilité de consulter les travailleurs touchés au sujet des programmes d'ajustement-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques jours, nous avons entendu parler, particulièrement dans la région du Canada Atlantique, de certains développements dans le dossier de la Devco. Nous savons que le leader du gouvernement au Sénat assume la responsabilité ministérielle pour la Nouvelle-Écosse et nous avons même remarqué sa participation dans l'annonce faite par le gouvernement.

Je sais aussi que mes collègues, les sénateurs Murray et Buchanan, voulaient être parmi nous aujourd'hui, mais le mauvais temps les en a empêchés.

Nous reconnaissons l'importance de cette transition pour les gens des régions de l'Atlantique et tout particulièrement pour ceux du Cap-Breton. Les travailleurs touchés seront-ils consultés en ce qui a trait aux programmes d'ajustement qui seront adoptés pour répondre à leurs besoins par suite des changements annoncés par le gouvernement la semaine dernière?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question de mon honorable collègue est tout à fait opportune. Elle touche un sujet qui a captivé mon attention ces quelques dernières semaines, en fait ces derniers mois au cours desquels nous n'avons pas arrêté de nous interroger sur l'avenir du charbon au Cap-Breton.

Comme je l'ai dit au moment de l'annonce de cette décision, les questions sont essentiellement de savoir d'une part s'il existe des moyens plus efficaces pour le gouvernement fédéral d'aider le Cap-Breton à maximiser ses perspectives économiques et à créer plus d'emplois et, d'autre part, de savoir s'il est économiquement possible de maintenir le statu quo au sein de l'industrie du charbon. Nous voulons tous que les habitants du Cap-Breton puissent vivre et travailler au Cap-Breton, mais nous ne croyons pas que l'avenir économique réside dans la seule exploitation du charbon.

Ceci dit, le ministre des Ressources naturelles, M. Goodale, a fait jeudi dernier une annonce au nom du gouvernement du Canada. Au moment où il a fait cette annonce, j'accompagnais M. Goodale et le président du conseil d'administration de la Devco, M. Joe Shannon. Un programme d'ajustement en vue de la fermeture graduelle de la mine de charbon de Phalen a été annoncé. Il a également été annoncé qu'il avait été décidé de privatiser la mine de Prince. En fait, le ministre a été autorisé à entamer immédiatement le processus, qui devrait prendre un certain temps.

Sur la question des consultations concernant les programmes d'ajustement, le programme de retraite anticipée était conforme aux dispositions de la convention collective conclue en 1996. Bien sûr, l'indemnité de départ offerte avait été améliorée. En outre, des fonds ont été promis pour recycler les travailleurs les plus touchés.

Les consultations se poursuivront de façon continue concernant l'avenir de Devco, non seulement auprès du syndicat des mineurs, mais aussi au sein de la collectivité. Nous consulterons certainement l'ensemble de la collectivité sur la question du développement économique de la région.

(1510) 

L'annonce de la fermetures de la mine-L'arbitrage des différends concernant les programmes d'ajustement destinés aux travailleurs-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, au sujet des programmes d'ajustement destinés aux travailleurs touchés, différentes options seront-elles offertes, ou un même modèle sera-t-il appliqué à tous? On ne trouvera pas deux travailleurs ou deux familles semblables, et leurs besoins seront différents. Même si, comme le ministre vient de le dire, on a tenté d'offrir des avantages qui soient conformes aux dispositions de la convention collective en vigueur, il y aura inévitablement des différends, d'après moi.

Appliquera-t-on le mécanisme de règlement des différends prévu dans la convention, ou le gouvernement envisage-t-il de mettre en place un mécanisme d'arbitrage qui permettrait aux travailleurs touchés de s'adresser à un tiers pour trancher si un programme d'ajustement ou un avantage déterminé est équitable en vertu d'un programme déterminé?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu dire que le gouvernement ou la société aurait envisagé une procédure d'arbitrage.

 

Le développement des ressources humaines

La confirmation de l'ampleur de l'excédent de la caisse de l'assurance-emploi-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, dans sa revue économique mensuelle de janvier 1999, la firme d'experts-conseils en économie Informetrica a dit de l'excédent du fonds de l'assurance-emploi que, même si on continuait à réduire les cotisations après 1999, elle estimait qu'il atteindrait les 70 milliards d'ici 2003. Publiquement le gouvernement ne fait pas de prévisions sur plus de deux ans, même s'il en fait à l'interne.

Ma question au leader du gouvernement au Sénat est la suivante: est-ce que les chiffres internes du gouvernement indiquent un excédent de cette ampleur d'ici l'an 2003?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je ne suis au courant d'aucune prévision de cette nature, honorables sénateurs.

Le sénateur Oliver: L'honorable leader pourrait-il vérifier si de telles prévisions existent, et dans l'affirmative, peut-il prendre l'engagement de les présenter au Sénat?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, si des projections de cette ampleur ont été faites pour une telle période, je me ferai un plaisir de vous communiquer l'information.

 

La surveillance des modifications apportées à la Loi sur l'assurance-emploi-La date de la fin de l'examen et l'annonce de modifications-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, les problèmes relatifs à l'assurance-emploi sont bien connus. Un tiers seulement des chômeurs sont maintenant admissibles à des prestations. Par ailleurs, les travailleurs canadiens et leurs employeurs versent des cotisations supérieures d'un tiers à ce qu'elles devraient être pour que le régime soit viable. Il y a quelques semaines, le gouvernement a annoncé qu'il étudiait les conséquences des récentes modifications apportées au régime. Le 22 janvier, à World Report, émission d'information de la radio de la CBC, le ministre Pettigrew déclarait:

 

«Nous savons que la réforme a rendu la vie très difficile à beaucoup de Canadiens.» «Nous surveillons la situation de très, très près.»
Par ailleurs, le président du caucus libéral, Joe Fontana a dit: «Je pense pouvoir dire sans me tromper que le caucus libéral et le gouvernement libéral veulent s'assurer que les travailleurs et les travailleuses touchent les prestations auxquelles ils ont droit et pour lesquelles ils ont cotisé.»

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire au juste quelles modifications apportées à la Loi sur l'assurance-emploi le gouvernement examine-t-il actuellement? S'agit-il de la règle des heures travaillées, qui fait qu'il est pratiquement impossible pour les travailleurs à temps partiel ou temporaires d'accumuler suffisamment d'heures? S'agit-il du taux de prestations qui a été réduit? S'agit-il des pénalités imposées à ce qu'on appelle les nouveaux travailleurs, dont bon nombre ne sont pas si nouveaux sur le marché du travail? S'agit-il de la période de prestations qui a été raccourcie? Le leader du gouvernement peut-il nous dire quand le gouvernement aura terminé cet examen et annoncera des réformes?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prévois que l'examen sera terminé sous peu. Le sénateur a posé une série de questions importantes, et il ne s'attend sûrement pas à ce que je réponde à toutes ces questions aujourd'hui. Je tâcherai de lui donner une réponse dès que possible.

[Français

Les relations fédérales-provinciales

Les pourparlers sur l'union sociale-Le rétablissement des transferts en espèces destinés à la santé-La position du gouvernement

L'honorable Fernand Roberge: Honorables sénateurs, dans un document confidentiel rédigé par les ministres provinciaux des Affaires intergouvernementales lors des négociations de la semaine dernière sur l'union sociale à Victoria, document dont le Globe and Mail a obtenu copie, les provinces souhaitent établir une nouvelle règle que les provinces et le gouvernement fédéral s'engageraient à respecter.

Par contre, les provinces souhaitent avant tout que les 6,2 milliards de dollars de réductions, dans le transfert social canadien, soient remis aux provinces avant de négocier le financement de la santé et d'autres programmes sociaux.

De plus, les provinces semblent en accord avec le gouvernement fédéral sur le fait que les Canadiens devraient avoir accès à une information adéquate et à des rapports sur la gestion de la politique sociale du gouvernement.

Par contre, plutôt que d'appliquer ce processus à la qualité des soins de santé fournis par les provinces, on mentionne que le gouvernement fédéral devrait faire un rapport public annuel sur sa volonté de fournir un financement adéquat et stable des programmes sociaux au Canada.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement: est-ce qu'il ne convient pas, avant d'imposer des critères de performance aux provinces en matière de politique sociale, que le gouvernement fédéral retourne plutôt aux provinces, le plus vite possible, les 6,2 milliards de dollars qui ont été annulés, sans consultation avec les gouvernements provinciaux, dans le transfert social canadien depuis 1994?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette question est également valable. Si je comprends bien, si l'on tient compte des transferts en espèces et des points d'impôt à toutes les provinces, on se rapproche de beaucoup des niveaux de transfert initiaux avant le début des compressions. Le sénateur admettra que les compressions visaient à stabiliser les finances de notre pays.

Ce serait intéressant pour tous les honorables sénateurs de suivre les résultats de la rencontre des premiers ministres que le premier ministre du Canada a convoquée. Cette rencontre se tiendra jeudi prochain au 24 de la promenade Sussex.

[Français

Les pourparlers sur l'union sociale-L'engagement du gouvernement fédéral pour un financement continu des programmes sociaux-La position du gouvernement

L'honorable Fernand Roberge: Est-ce que l'honorable leader du gouvernement peut nous dire si le gouvernement fédéral serait disposé à prendre l'engagement d'assurer un financement stable et adéquat de ses programmes sociaux pour les cinq prochaines années, comme il l'a fait pour Radio-Canada?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je crois qu'il vaudrait également mieux poser cette question après la rencontre des premiers ministres, jeudi. Ils y discuteront certainement de ces questions et d'autres. Je serais heureux de faire rapport des résultats de cette rencontre.

[Français]

Le sénateur Roberge: Je suis persuadé que nous allons connaître certaines de ces réponses, mais j'aimerais quand même avoir votre avis. Ne pensez-vous pas que le gouvernement devrait reconnaître aux provinces le droit de planifier à moyen terme la gestion de leur réseau de santé, afin d'éviter les situations d'horreur qu'on a connues dans les hôpitaux et dans les universités au cours des dernières années?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement en place a équilibré le budget et il réalise maintenant un excédent. Le ministre des Finances devrait déposer un budget plus tard ce mois-ci. Selon de nombreuses spéculations, la santé et les services de prestation de soins de santé seront au coeur de ce budget. J'espère que le gouvernement qui est l'émanation d'un parti qui a instauré l'universalité de l'assurance-maladie dans toutes les provinces du Canada et qui tient à préserver le meilleur régime de soins de santé au monde proposera, dans cet imminent budget, de nouvelles mesures positives qui nous permettront de continuer à nous vanter d'avoir vraiment le meilleur régime de soins de santé au monde.

 

Réponse différée à une question orale

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse aux questions posées au Sénat le 5 novembre 1998 par l'honorable sénateur Stratton et l'honorable sénateur Andreychuk concernant les nominations à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.

 

Le développement des ressources humaines

Les nominations à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada-Le droit de la personne nommée de recevoir deux salaires-La position du gouvernement

(Réponse aux questions posées par l'honorable Terry Stratton et l'honorable A. Raynell Andreychuk le 5 novembre 1998)

Un poste d'administrateur d'une société d'État est un emploi à temps partiel qui est rémunéré selon une indemnité quotidienne.

Les personnes ont le droit d'occuper deux postes à temps partiel dans l'administration publique et d'être rémunérées en conséquence, puisqu'elles sont payées seulement pour le travail qu'elles peuvent accomplir ou qu'elles effectuent réellement.

 


Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je voudrais présenter au Sénat les pages de la Chambre des communes qui seront avec nous cette semaine dans le cadre du programme d'échange.

Voici Sheizana Murji, de Calgary, en Alberta. Sheizana étudie à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa, où elle se spécialise en sciences politiques et en sciences économiques.

[Français]

Isabelle Chartrand, d'Orleans, Ontario, poursuit ses études à l'Université d'Ottawa. Elle est inscrite à la faculté d'administration et sa spécialisation est en gestion internationale.

[Traduction]

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue, Sheizana et Isabelle, et je vous souhaite de passer une agréable semaine avec nous.

 

Le commissaire à la protection de la vie privée

Avis de motion portant permission au comité plénier de reporter le délai du rapport définitif

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je donne avis que demain, le mercredi 3 février 1999, je proposerai:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le 29 octobre 1998, le comité plénier, auquel a été déféré le rapport du commissaire à la protection de la vie privée pour la période se terminant le 31 mars 1998, soit habilité à présenter son rapport au plus tard le 18 février 1999.

 


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le transport aérien

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur le transport aérien et portant mise en oeuvre d'un protocole portant modification de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et portant mise en oeuvre de la Convention, complémentaire à la Convention de Varsovie, pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international effectué par une personne autre que le transporteur contractuel, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre aujourd'hui la parole pour porter à votre attention une mesure brève mains importante, le projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur le transport aérien et portant mise en oeuvre d'un protocole portant modification de la Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international et portant mise en oeuvre de la Convention, complémentaire à la Convention de Varsovie, pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international effectué par une personne autre que le transporteur contractuel.

C'est là un long titre officiel, honorables sénateurs. À plus simplement parler, le projet de loi S-23 modifie la Loi sur le transport aérien de sorte que le Canada puisse se joindre à d'autres États pour reconnaître légalement deux importants accords internationaux portant sur des questions relatives à la responsabilité des transporteurs aériens - l'un, le Protocole de Montréal numéro 4 concernant le transport du fret, et l'autre, la Convention complémentaire de Guadalajara clarifiant l'application de la Convention de Varsovie.

[Français]

Honorables sénateurs, permettez-moi de revenir sur le contenu de la Loi sur le transport aérien. La loi est succincte: les six articles qu'elle contient visent la mise en oeuvre de l'adhésion canadienne à la Convention internationale de Varsovie acceptée en 1929, dans sa forme modifiée par le Protocole de La Haye en 1955.

Comme vous le savez, il s'agit d'instruments juridiques internationaux généralement reconnus, qui renferment un ensemble de normes et de règles régissant le transport aérien des passagers, des bagages et du fret à l'échelle internationale.

Ces instruments établissent plus particulièrement des règles communes concernant la responsabilité d'un transporteur en cas de décès d'un passager ou de blessures, ou si des bagages ou marchandises sont perdus ou endommagés.

[Traduction]

L'unification des règles relatives au transport aérien international et, en particulier, l'unification des règles relatives au régime de responsabilité se sont révélées essentielles à la gestion harmonieuse du transport aérien international. Sans cette unification, des conflits de lois complexes pourraient survenir et le règlement des réclamations pourrait devenir imprévisible, coûteux, long et probablement inassurable. De plus, des conflits de compétence pourraient éclater, ce qui nuirait encore davantage au règlement des litiges.

[Français]

L'uniformité aide beaucoup à faciliter le transport aérien à l'échelle internationale du fait que les conditions de transport des passagers, des bagages et des marchandises sont dans une grande mesure similaires.

À cet égard, la Convention de Varsovie a été acclamée et reconnue comme la convention internationale de droit privé qui a permis d'unifier les systèmes juridiques des quelque 140 États qui y sont parties.

[Traduction]

Toutefois, sur la scène internationale, on reconnaît depuis longtemps que la Convention de Varsovie de 1929 a besoin d'être modernisée pour pouvoir offrir une meilleure protection aux passagers, aux transporteurs et aux expéditeurs. C'est justement le but que visent le Protocole de Montréal numéro 4 et la Convention de Guadalajara.

Il faut mentionner que, au niveau international, un certain nombre de lignes aériennes ont reconnu les limites désuètes du régime de responsabilité et ont volontairement accru leur responsabilité, tout en continuant à respecter les autres aspects de la Convention de Varsovie, comme les compétences, et cetera.

[Français]

Le Protocole de Montréal numéro 4 prévoit la simplification des documents relatifs au transport du fret et la modification du régime de responsabilité applicable.

À cet effet, il permet la transmission des bordereaux d'expédition par moyens électroniques. Cette approche permet non seulement d'instaurer une plus grande certitude, mais aussi d'utiliser des techniques plus modernes de transmission de données, en plus de réduire le risque de litige au sein de l'industrie aéronautique.

En reconnaissant le Protocole de Montréal numéro 4, le Canada aidera au contrôle des coûts reliés aux assurances et à la tarification des marchandises. Il en résultera aussi des économies de temps et d'argent, tant pour les transporteurs que pour les expéditeurs.

[Traduction]

N'oublions pas un autre facteur important à considérer: le protocole appuiera l'objectif du gouvernement qui veut assurer l'essor économique en facilitant et en encourageant les échanges commerciaux. La ratification du Protocole de Montréal numéro 4 par le Canada tombe à point nommé, étant donné les nouvelles mesures que propose le ministre des Transports en ce qui concerne les services tout-cargo réguliers et d'affrètement, qui tendent à promouvoir les services de fret aérien international qu'offrent les transporteurs canadiens.

Le Protocole de Montréal numéro 4 est entré en vigueur récemment, dès sa ratification par le nombre requis d'États. Tout récemment, les États-Unis ont pris les mesures nécessaires pour ratifier le Protocole de Montréal numéro 4, qui s'appliquera aux activités des États-Unis à partir du 4 mars 1999.

[Français]

En conséquence, il est très important que le Canada, par la voie de cette législation, se donne le pouvoir de ratifier ce protocole pour que les transporteurs aériens canadiens demeurent compétitifs.

L'inaction de notre part, honorables sénateurs, pourrait désavantager les transporteurs canadiens, étant donné que les États-Unis sont en mesure de procéder à la mise en oeuvre de ces textes avant le Canada. Il nous faut donc aller de l'avant immédiatement.

(1530)

[Traduction]

La Convention de Guadalajara clarifie les relations entre les voyageurs et les affréteurs, d'un côté, et les transporteurs, de l'autre.

Conformément à cette convention, la responsabilité d'un transporteur qui transporte pour le compte du transporteur contractuel est conforme à ce qui est prévu dans la Convention de Varsovie.

L'accession du Canada à la Convention de Guadalajara est d'autant plus opportune que les grands transporteurs canadiens concluent des alliances élargies avec d'autres transporteurs internationaux et que se multiplient les possibilités d'exploiter de nouveaux itinéraires en collaboration avec d'autres transporteurs. La convention établira des règles claires sur la responsabilité des transporteurs aériens lorsqu'un transporteur transporte pour un autre transporteur, règles que les consommateurs supposent sans doute déjà en place.

[Français]

Honorables sénateurs, je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi et de vous rappeler que la Convention de Guadalajara et le Protocole de Montréal numéro 4 ne prêtent pas à controverse.

Ces deux documents sont déjà appliqués à l'échelle internationale; ils sont tous deux avantageux pour les passagers, les expéditeurs et les transporteurs; ils permettent une plus grande uniformité des règles régissant le transport aérien international; ils contribueront tous deux à réduire le risque de litige au sein de l'industrie aéronautique.

[Traduction]

Le pouvoir d'adhérer à ces instruments est conféré au Canada par l'ajout de renvois aux deux nouvelles annexes IV et V à la Loi sur le transport aérien.

De vastes consultations menées par Transports Canada ont montré que tant le Protocole de Montréal numéro 4 que la Convention de Guadalajara ont l'appui unanime de l'industrie aéronautique canadienne aussi bien que des organisations liées à l'aviation du Canada.

Notamment, les compagnies aériennes tiennent beaucoup à ce que le Canada agisse rapidement, surtout maintenant que le Protocole de Montréal numéro 4 est en vigueur dans de nombreux pays.

[Français]

Outre l'industrie, honorables sénateurs, les consultations ont également été menées auprès de 23 ministères et organismes fédéraux, dont la Justice, les Finances, les Affaires étrangères, la Défense nationale et l'Office canadien des transports. Tous appuient l'adoption des deux instruments par le Canada ou n'ont soulevé aucun point de désaccord.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, l'industrie des transports est un élément crucial de l'économie canadienne. L'industrie et les services connexes emploient 400 000 personnes au Canada, et leur contribution annuelle à notre produit national brut est de 20 milliards de dollars.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous devons donc impérativement veiller à ce que les voyageurs, les transporteurs et les affréteurs du Canada bénéficient d'un régime clair de responsabilité qui reflète les réalités actuelles de l'industrie aéronautique.

Récemment, le Parlement s'est penché sur une mesure législative concernant la responsabilité maritime. Nous proposons maintenant de nous attaquer à la responsabilité des transporteurs aériens. Honorables sénateurs, les modifications que le projet de loi S-23 va apporter à la Loi sur le transport aérien visent à assurer que le Canada reconnaît et adopte comme loi des instruments reconnus au plan international qui portent le transport international des marchandises et des voyageurs.

[Français]

(Sur la motion du sénateur Roberge, le débat est ajourné.)

[Traduction]

 

Projet de loi sur le précontrôle

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi S-22, Loi autorisant les États-Unis à effectuer au Canada le précontrôle en matière de douane, d'immigration, de santé publique, d'inspection des aliments et de santé des plantes et des animaux à l'égard des voyageurs et des marchandises à destination des États-Unis, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi S-22, la Loi sur le précontrôle, qui a été présenté pour la première fois le 21 décembre 1998.

Le projet de loi sur le précontrôle est un élément clé des efforts que le Canada déploie afin de moderniser le travail qui se fait à nos frontières avec les États-Unis, cela tout en maintenant la souveraineté du Canada et en protégeant les droits et libertés des Canadiens.

Avant d'expliquer comment le projet de loi à l'étude permet cela, je voudrais mentionner brièvement en quoi consiste le précontrôle et de quelle manière les Canadiens ont bénéficié et continueront de bénéficier des services de cette nature.

Le précontrôle a été instauré à Toronto en 1952 et il est actuellement exercé aux aéroports de Vancouver, d'Edmonton, de Calgary, de Winnipeg, de Toronto, d'Ottawa et de Montréal. Il permet aux agents de contrôle frontalier des États-Unis de travailler dans les aéroports canadiens afin de déterminer quelles personnes et marchandises peuvent entrer aux États-Unis.

Le Canada et les États-Unis ont officialisé cette entente dans le cadre de l'accord relatif au prédédouanement dans le domaine du transport aérien qui a été conclu le 8 mai 1974. Cependant, les pouvoirs conférés par la loi américaine n'étaient pas définis expressément, et aucune loi habilitante n'avait été adoptée pour les mettre en oeuvre.

Nous célébrons cette année le quatrième anniversaire de l'accord Ciels ouverts et le vingtième anniversaire de l'accord de 1974 relatif au prédédouanement dans le domaine du transport aérien.

Ces deux accords ont fonctionné de pair afin de transformer la circulation aérienne entre le Canada et les États-Unis. Dans le passé, il était long et laborieux de voyager du Canada aux États-Unis, car la plupart des voyageurs devaient faire une escale à un aéroport qui constituait une plaque tournante.

Depuis la conclusion de l'accord Ciels ouverts, il est possible d'atteindre sans escale 84 destinations américaines, à partir de 11 villes canadiennes. C'est en partie possible grâce au précontrôle, car pour la plupart de ces 84 destinations, il n'est pas nécessaire de passer aux douanes ou devant les services d'inspection en matière d'immigration. C'est parce que les voyageurs peuvent faire l'objet d'un précontrôle par les agences d'inspection des États-Unis au Canada que l'accord Ciels ouverts fonctionne. De plus, les passagers qui ont fait l'objet d'un précontrôle au Canada ne font pas la queue pour passer aux douanes et devant les services d'immigration lorsqu'ils arrivent dans les aéroports américains et ils doivent attendre moins longtemps pour leur correspondance.

Depuis la signature de l'accord Ciels ouverts, le trafic aérien a augmenté de 31 p. 100, le nombre de voyageurs passant de 13,6 millions à 17,9 millions en quatre ans. Par rapport à 1994, il y a aujourd'hui environ 1,8 million de touristes et de voyageurs d'affaires de plus qui nous arrivent des États-Unis par avion, ce qui est une hausse remarquable, dans ce qu'on peut déjà décrire comme les plus importantes relations commerciales du monde.

Depuis plus de 40 ans, les opérations américaines de prédédouanement au Canada fonctionnent efficacement. En 1997, des 8,5 millions de passagers qui se sont présentés aux bureaux américains de prédédouanement, moins de 0,002 p. 100 se sont vu refuser l'entrée aux États-Unis.

Le Canada a quatre grands objectifs de coopération frontalière: les contacts avec nos amis, des membres de nos familles et des partenaires commerciaux aux États-Unis; la facilitation du passage des marchandises vers le marché américain; la protection contre le crime international; l'affirmation de la souveraineté canadienne et la protection de nos droits et libertés.

La Loi sur le précontrôle qui est ici proposée contribue à la poursuite de ces quatre objectifs et donne au Canada un atout crucial pour le XXIe siècle.

On me demandera pourquoi nous avons besoin maintenant de ce projet de loi, puisque, à l'évidence, nous avons appliqué cette pratique avec succès sans qu'elle soit encadrée par une loi.

D'importants changements sont survenus depuis 1974. La Charte canadienne des droits et libertés, adoptée en 1982, accorde de nouveaux droits individuels aux Canadiens. Les procédures aux frontières, tant pour les voyageurs que pour les marchandises, ont dû évoluer sous la pression d'une augmentation rapide du nombre des passages et de l'adoption de nouvelles technologies. Le trafic s'est beaucoup intensifié, tout comme le nombre de liaisons. Il est essentiel d'assurer un traitement efficient et efficace à notre ère de systèmes de livraison juste-à-temps.

Le projet de loi proposé, qui s'inspire des modèles de précontrôle qui existent déjà en Europe, comme l'accord aéroportuaire Suisse-France, permettra au Canada et aux États-Unis de moderniser la gestion des frontières et d'appliquer des méthodes nouvelles et innovatrices. Il s'accompagnera de modifications de l'accord canado-américain de précontrôle de 1974 qui refléteront la nouvelle loi et d'autres mesures de sauvegarde convenues tant par le Canada que les États-Unis.

Ce projet de loi mettra à jour et clarifiera le statut juridique des services de précontrôle des États-Unis aux aéroports canadiens; accordera les pouvoirs légaux qui conviennent pour contrer les activités illégales tout en protégeant les droits des voyageurs en vertu des lois canadiennes; et fournira les fondements juridiques pour réorganiser les dispositions du fonctionnement des postes frontières aux aéroports ou autres modes de transport.

Le projet de loi renferme diverses dispositions veillant à la primauté du droit canadien; par exemple, en cas de conflit juridique entre les lois canadiennes et américaines, les lois canadiennes prévaudraient.

Le projet de loi accorde également quelques protections juridiques aux voyageurs. Ceux-ci jouiront de tous les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, la Déclaration canadienne des droits et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Tout voyageur aurait le droit de quitter un secteur de précontrôle sans aller aux États-Unis, sauf s'il était détenu. Tout voyageur détenu pour une fouille par palpation ou une fouille à nu aurait le droit de faire examiner la décision par un agent canadien, et seuls les agents canadiens pourraient faire une fouille à nu.

Le projet de loi S-22 prévoit une structure pour le régime de précontrôle et régit sa mise en oeuvre. L'administration du droit américain se limitera aux lois traitant des douanes, de l'immigration, de la santé publique, de l'inspection des aliments et de la santé des plantes et des animaux. Seules les dispositions de ces lois qui sont directement liées à l'admission de voyageurs et à l'importation de biens aux États-Unis seront administrées par les autorités américaines. Ces lois sur le précontrôle à la frontière ne s'appliquent qu'aux secteurs de transit ou de précontrôle qui seront désignés par le gouvernement du Canada.

La principale fonction des contrôleurs sera de déterminer si les voyageurs et les marchandises sont autorisés à entrer aux États-Unis. Le projet de loi donnerait aux contrôleurs les pouvoirs nécessaires pour remplir cette fonction. Aux termes de la loi, les contrôleurs pourraient administrer certaines lois américaines relatives aux douanes, à l'immigration, à la santé publique, à l'inspection des aliments et à la santé des plantes et des animaux. Ils seraient autorisés à examiner et à saisir des marchandises susceptibles de confiscation. Ils auraient le droit d'imposer des pénalités pécuniaires à une personne faisant une fausse déclaration ou ils pourraient livrer cette personne à un agent canadien pour être mise en accusation.

Le projet de loi exige également que les sociétés aériennes fournissent certains renseignements personnels sur des passagers provenant de pays tiers qui transitent par le Canada. Ces renseignements seraient régis pas les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits.

Tous les aspects de ce système de contrôle seraient soumis à des règles de réciprocité avec les États-Unis. Le Canada n'a pas de système de précontrôle aux États-Unis. Cependant, nous avons accepté d'examiner des demandes soumises par San Francisco et par Anchorage, en Alaska, en vue de l'installation de services de précontrôle dans les aéroports de ces deux villes.

Le projet de loi prépare le terrain pour le précontrôle des passagers en transit, ce qui permettrait aux passagers en provenance d'Asie et d'Europe en direction des États-Unis de profiter d'un système aérien amélioré et plus rapide. Auparavant, les passagers en transit devaient passer par le service d'inspection canadien et le service d'inspection américain, ce qui nécessitait souvent deux visas et allongeait les délais nécessaires pour les correspondances. Le nouveau système de précontrôle des passagers en transit éliminera les inspections canadiennes et incitera les passagers internationaux à utiliser les transporteurs aériens et les aéroports canadiens dans leurs déplacements vers les États-Unis ou en provenance de ce pays. Le succès d'un projet pilote de précontrôle des passagers en transit à l'aéroport de Vancouver, mis en place après la visite du premier ministre à Washington, en 1997, a permis de démontrer les avantages de ce système.

Dès l'adoption du projet de loi, les services de précontrôle des passagers en transit seront élargis à Vancouver et seront offerts à Toronto et à l'aéroport de Dorval, à Montréal. L'aéroport de Calgary devrait aussi avoir son système de précontrôle au plus tard le 1er janvier 2001. D'autres aéroports canadiens ayant actuellement des services de précontrôle américains - Edmonton, Winnipeg et Ottawa - pourront plus tard obtenir des services de précontrôle des passagers en transit.

Le projet de loi doit servir de base à des ententes entre le Canada et les États-Unis sur d'autres moyens de transport. Les échanges commerciaux et les déplacements entre nos deux pays continuent d'augmenter à un rythme rapide et le gouvernement entend poursuivre les discussions et les négociations sur un service de précontrôle du fret aérien, de même que du transport par camion, par train, par navire et par traversier.

En résumé, l'adoption de ce projet de loi adaptera notre frontière aux réalités du XXIe siècle. Cette mesure législative clarifiera les pouvoirs des États-Unis et protégera les droits des voyageurs en vertu de la loi canadienne. Les voyageurs d'Europe et d'Asie qui viennent en Amérique du Nord bénéficieront d'un meilleur service. Il y aura un régime plus uniforme en place dans les postes de précontrôle et aux points d'entrée à la frontière pour contrer les activités illégales de façon plus uniforme le long de notre frontière commune.

J'encourage les sénateurs à appuyer sans réserve le projet de loi S-22 afin que les Canadiens puissent bénéficier le plus rapidement possible des avantages que leur apportera l'adoption de cette mesure.

(Sur la motion du sénateur DeWare, au nom du sénateur Buchanan, le débat est ajourné.)

 

Garde et droit de visite des enfants

Étude du rapport du comité mixte-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'étude du rapport final du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, qui est intitulé: «Pour l'amour des enfants», qui a été déposé le 9 décembre 1998 au Sénat.-(L'honorable sénateur DeWare).

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je traiterai aujourd'hui du rapport du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants intitulé: «Pour l'amour des enfants». Le rapport du comité mixte spécial a été déposé dans les deux Chambres le 9 décembre. Tous les honorables sénateurs en ont reçu un exemplaire.

Le comité a tenu 55 réunions et entendu 520 témoins. Il est difficile de me prononcer sur le rapport en raison du peu de temps qui m'est accordé. Je ferai cependant de mon mieux.

Je sais que certaines personnes estiment que ce rapport n'aborde pas assez en profondeur leurs très authentiques préoccupations. D'autres pensent peut-être qu'il va trop loin. Je suis convaincu qu'il se trouve quelques personnes qui auraient souhaité que l'on ne le rédige pas. Toutefois, si l'on se fie à la réaction du public, «Pour l'amour des enfants» se retrouve en assez bonne compagnie. Au même titre que de nombreux rapports parlementaires, il rend compte de l'étude d'une question qui revêt une importance primordiale pour un grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. Par conséquent, il suscite d'intenses émotions et soulève la controverse. En réalité, dans les familles qui ont vécu une séparation ou un divorce, rien ne les touche de plus près que les questions entourant la garde et le droit de visite des enfants.

Le témoignage souvent émotif de centaines de personnes qui ont comparu devant notre comité a fait ressortir de façon marquée la douleur qui est ressentie après la rupture du mariage. J'ai trouvé à certains moments que les témoignages étaient à vous briser le coeur. Qui aurait pu croire qu'un nombre aussi élevé de Canadiennes et de Canadiens souffrent en raison d'un divorce ou d'une séparation?

Honorables sénateurs, malgré l'accueil mitigé qui lui a été réservé, j'estime qu'il ressort clairement du rapport intitulé: «Pour l'amour des enfants» que le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a atteint plusieurs objectifs importants. Il a notamment su attirer l'attention du gouvernement et du public sur une question d'une importance capitale pour de nombreuses familles canadiennes. Il a sensibilisé l'opinion publique aux besoins et préoccupations des personnes qui vivent une séparation ou un divorce, en particulier les enfants. Il a formulé des recommandations concrètes et réalisables auxquelles il reste maintenant au gouvernement à répondre.

Compte tenu du fait que le comité était composé de 23 membres représentant cinq partis différents, je dirais qu'il s'est plutôt bien tiré d'affaire. Il doit son succès, dans une grande mesure, aux efforts de la coprésidente pour le Sénat, l'honorable Landon Pearson. Je tiens à la féliciter pour le grand travail qu'elle a accompli, pour le dévouement dont elle a fait preuve et, par-dessus tout, pour l'intérêt indéfectible qu'elle porte aux enfants.

Je rends également hommage à mes collègues du Parti progressiste-conservateur qui ont siégé au comité, à savoir l'honorable Erminie Cohen et la députée Diane St-Jacques. Je ne saurais passer sous silence la contribution de l'honorable Duncan Jessiman, qui a siégé au comité jusqu'à son départ à la retraite, l'an dernier. Je sais en outre gré à mes collègues libéraux, dont les honorables sénateurs Cools, Cook et Chalifoux, qui ont travaillé fort.

Nous aurions souhaité que certaines modifications soient apportées au document final, mais dans l'ensemble nous souscrivons à l'orientation de «Pour l'amour des enfants». Nous estimons que le comité a su présenter un rapport équilibré, qui fait une grande place aux préoccupations et suggestions qui ont été soulevées. Il servira de catalyseur pour que s'opèrent d'heureux changements.

(1550)

Bien que certaines recommandations auraient pu être plus fermes et que d'autres auraient pu être ajoutées, nous sommes satisfaits de l'orientation générale du rapport. Le comité a mis en relief les questions liées à la garde et à l'accès, ainsi que le besoin urgent d'apporter des améliorations, au point que ces questions ne peuvent plus être ignorées par les Canadiens et le gouvernement fédéral, indépendamment de la réticence que pourrait entretenir le gouvernement actuel face à la mise en oeuvre des recommandations du comité. En fait, le Parti progressiste-conservateur a été le seul des partis de l'opposition représentés au sein du comité à ne pas présenter une opinion dissidente, parce que nous pensions qu'une telle mesure ne serait pas constructive à ce moment-là.

Cela dit, il faut reconnaître qu'il n'existe pas de baguette magique pour faire disparaître d'un seul coup tous les problèmes liés au système actuel. Les recommandations renfermées dans le rapport intitulé: «Pour l'amour des enfants» se veulent plutôt la base des premières étapes d'une série de changements progressifs qui assureront un avenir meilleur aux familles séparées et divorcées.

Je vais aborder brièvement plusieurs des 48 recommandations du rapport, qui, à mon avis, sont de nature à modifier le statu quo et, partant, à atténuer l'impact négatif du divorce pour les enfants. Elles reflètent certaines préoccupations exprimées par d'autres membres de familles divorcées. Je dois avouer que j'ai eu une pensée toute spéciale pour les nombreux pères qui, à cause d'une séparation ou d'un divorce acrimonieux, ne peuvent plus voir leurs enfants et qui, dans certains cas, ne savent même plus ce qu'ils sont devenus, ni même où ils habitent. J'ai également été profondément touchée par la situation de nombreux grands-parents qui se sont vu refuser l'accès à leurs petits-enfants.

Si elles étaient mises en oeuvre, ces recommandations pourraient réduire les méfaits d'un système accusatoire qui sème la zizanie entre les partenaires et leur fait parfois perdre de vue l'intérêt de leurs enfants.

Selon moi, les principales recommandations sont celles qui reconnaissent que les pères et les mères doivent continuer de jouer un rôle important dans la vie de leurs enfants. Il en ressort que les deux moitiés d'un couple marié restent des parents après une séparation ou un divorce. Il est de plus en plus évident que les enfants ont besoin de leurs deux parents. Après tout, ce sont les parents qui divorcent, pas leurs enfants.

Le comité a failli recommander une loi fondée sur une présomption générale en faveur de la garde partagée, mais finalement son rapport défend clairement les avantages de la prise de décisions conjointe et même un partage du temps de garde essentiellement égal, quand les circonstances s'y prêtent. Avec la garde partagée, les pères et les mères continuent à jouer un rôle actif dans les soins aux enfants et ils s'entendent entre eux sur les questions pratiques concernant le logement des enfants. Cette nouvelle perception fait suite à un désir de changement dans la terminologie et les concepts de «garde» et de «droit de visite», qui ont une connotation de confrontation, pour les remplacer par la notion de «partage des obligations parentales». Je considère cela comme une amélioration appréciable par rapport au système actuel qui attribue la garde des enfants comme s'il s'agissait d'un prix à gagner pour lequel les parents doivent se livrer bataille.

Les recommandations connexes du rapport portant sur les plans de partage des tâches parentales sont aussi un changement agréable par rapport au système actuel qui veut que le tribunal détermine les dispositions. Les parents qui divorcent seraient dorénavant encouragés à établir un plan qui définit les responsabilités de chaque parent en ce qui concerne le logement, les soins, les décisions à prendre et la sécurité financière des enfants. Ses dispositions comporteraient aussi des mécanismes de traitement des disputes entre les parents, ce qui vise à réduire les procédures judiciaires. Les plans de partage sont beaucoup plus détaillés que les ententes de séparation classiques et les ordonnances de la cour. Je pense que leur utilisation généralisée encouragerait les parents à penser aux besoins de leurs enfants et à tous les aspects de leur vie quotidienne.

En guise de précaution additionnelle, le comité recommande que, dans tous les cas de séparation ou de divorce, les deux parents reçoivent l'information et les dossiers concernant le développement et les activités sociales de l'enfant. Cela inclurait le dossier scolaire et le dossier médical. Cette obligation devrait incomber non seulement aux deux parents, mais aussi aux écoles, aux médecins ou aux hôpitaux, par exemple.

Pour renforcer cette reconnaissance, le comité inclut sous la notion de responsabilité parentale partagée une liste de critères dont pourront se servir ceux qui prennent les décisions pour déterminer l'intérêt supérieur d'un enfant. Ainsi, les parents et les juges, entre autres, devraient reconnaître «l'importance et l'avantage pour l'enfant de la responsabilité parentale partagée, permettant aux deux parents de demeurer activement présents dans sa vie après la séparation».

Une autre recommandation qui, si elle était appliquée, apporterait beaucoup d'avantages suppose la participation à un programme d'éducation qui aiderait les parents à se concentrer sur les besoins de l'enfant plutôt que sur les sentiments qu'ils ont l'un envers l'autre. Le comité reconnaît que le fait d'éduquer les parents immédiatement après leur séparation réduirait les conflits et que les enfants en bénéficieraient. Le rapport «Pour l'amour des enfants» recommande donc que tous les parents qui font une demande d'ordonnance parentale et qui ne peuvent en accepter les modalités soient tenus de participer à un programme d'éducation. On exigerait de ces parents un certificat attestant de leur présence aux séances de ce programme d'éducation comme condition préalable à la présentation de leur demande d'ordonnance. Ce programme aiderait les parents à mieux comprendre les réactions des parents et des enfants à la suite d'une séparation, les besoins des enfants à diverses étapes de leur développement, les avantages qu'il y a à s'entendre sur l'exercice du rôle parental après le divorce, les droits et les responsabilités des parents, de même que la disponibilité de services de médiation ou d'autres mécanismes de résolution des conflits.

Le rapport «Pour l'amour des enfants» recommande également de donner l'occasion aux enfants de se faire entendre lorsque des décisions sur les responsabilités parentales les concernant sont prises, de sorte que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit pris en compte. J'ai compris l'importance de cela en entendant les témoignages de plusieurs enfants qui ont comparu devant le comité. Honorables sénateurs, quand un enfant pose la question suivante: «Est-ce qu'on m'écoutera un jour?», il est temps de l'écouter.

J'ai été également très satisfaite de la recommandation concernant les tribunaux unifiés de la famille qui, selon mes collègues et moi, sont le meilleur moyen de minimiser les conflits entre les parents durant la procédure de divorce et d'en améliorer l'issue pour les enfants. En outre, nous pensons qu'un grand nombre des services recommandés dans une autre partie de ce rapport pourraient être efficacement assurés par des tribunaux unifiés de la famille.

Les recommandations détaillées concernant les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants dépassaient un peu le mandat du comité. Cependant, le rapport recommande au gouvernement de les revoir à la lumière des divers problèmes sur lesquels on a attiré notre attention. Par exemple, ces lignes directrices ne tiennent pas compte des moyens financiers des deux parents ni des besoins des enfants issus d'une union ultérieure.

Pour terminer, je dirai qu'il ne faut malheureusement pas s'attendre à ce que ce rapport intitulé: «Pour l'amour des enfants» ait beaucoup d'impact sur les affaires de divorce en cours. Toutefois, si le gouvernement donne suite aux recommandations de ce rapport, il y a lieu d'espérer un meilleur avenir pour les enfants de couples séparés ou divorcés.

Je rappelle au gouvernement fédéral, qui a créé le comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, qu'il n'est pas possible de revenir en arrière et j'encourage mes collègues à insister avec moi auprès du gouvernement afin qu'il réponde à ce rapport de façon positive et opportune, ceci dans l'intérêt des enfants.

(Sur la motion du sénateur Cohen, le débat est ajourné.)

[Français

La région de l'Asie-Pacifique

Le rapport du comité des affaires étrangères sur une étude-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Stewart, attirant l'attention du Sénat sur le huitième rapport du comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé: «La crise en Asie: répercussions sur la région, le Canada et le monde».-(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, avec l'accord du sénateur Andreychuk, j'aimerais vous entretenir de l'article 50 de l'ordre du jour, le rapport sur l'Asie-Pacifique.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Losier-Cool: Honorables sénateurs, en tant que membre du comité sénatorial des affaires étrangères, je tiens à dire quelques mots sur le rapport Asie-Pacifique déposé par le président du comité, mon collègue le sénateur Stewart.

D'abord, je tiens à féliciter le sénateur Stewart pour son excellent travail tout au long des délibérations qui ont mené au dépôt de ce rapport. Je tenterai de limiter mon intervention à une partie du rapport, celle qui traite des droits de la personne en Asie-Pacifique, et plus particulièrement l'impact de cette crise sur les femmes et les enfants.

Le rapport décrit en long et en large tous les impacts financiers et économiques de la crise sur la région de l'Asie-Pacifique et sur les économies qui en dépendaient ou qui ont été affectées par l'ampleur de la crise.

Toutefois, je crois que la crise humaine qui frappe cette région du monde, soit l'impact social ou humain de la crise, se fait sentir de plus en plus à plusieurs niveaux. La crise a amplifié les problèmes à long terme, quelque peu dissimulés par l'attention reçue autour du «miracle est-asiatique», notamment l'accroissement des inégalités dans les économies est-asiatiques; la persistance de segments de population vivant dans la pauvreté dans de nombreux pays, notamment la Chine, la Thaïlande et les Philippines; les problèmes continus liés à la médiocrité de l'enseignement dans certains pays; le taux de mortalité infantile comparativement élevé en Indonésie, en Corée et aux Philippines.

Malgré les redressements des marchés boursiers et les rapports plus optimistes depuis un certain temps, la crise qui a frappé cette région se traduira par des effets à long terme sur «l'économie réelle». Les conséquences durables et profondes que l'on commence à noter marqueront la vie des habitants pour les années à venir.

[Traduction]

Dans son rapport publié en avril 1998 sous le titre «Impact social de la crise asiatique», l'Organisation internationale du travail affirme que:

En raison de la position inégale qu'elles occupent sur le marché du travail et du rôle qui leur est attribué dans la société, les femmes risquent d'être beaucoup plus touchées par la crise que les hommes. Elles sont souvent confinées dans les emplois les plus précaires et donc beaucoup plus susceptibles d'être renvoyées. Les femmes qui travaillent sont généralement dispersées et mal organisées et il est difficile pour les syndicats ouvriers de les rejoindre.

Honorables sénateurs, les vulnérabilités inhérentes au marché du travail sont souvent aggravées par les attitudes sexistes des employeurs qui considèrent le revenu des femmes comme un revenu d'appoint et qui n'hésitent souvent pas à avoir recours à ce prétexte pour les licencier les premières en cas de crise. De plus, le manque flagrant de représentation des femmes aux niveaux décisionnels explique que l'on tolère davantage le manque d'impartialité dans les politiques de renvoi.

[Français]

Les femmes sont non seulement plus vulnérables aux effets négatifs de la crise, mais elles sont aussi désavantagées en ce qui concerne l'accès aux mesures d'aide telles les bénéfices d'aide à l'emploi, les paies d'indemnité ou toute autre forme de programmes sociaux, et ce, lorsqu'ils sont offerts par le gouvernement.

Pendant que les emplois diminuent dans le «secteur formel», les femmes qui n'exerçaient pas d'activités professionnelles auparavant doivent se tourner vers le «secteur informel» pour gagner de l'argent destiné à faire vivre leur famille.

[Traduction]

Un document traitant de la crise asiatique préparé par l'Institute for Development Studies confirme que la réduction du revenu familial dans tous les pays a déjà forcé bon nombre de familles, particulièrement les familles pauvres, à exploiter les ressources disponibles, c'est-à-dire les femmes, les enfants et les personnes âgées.

[Français]

Dans tous les pays, le taux d'abandon scolaire augmente lorsque les familles pauvres ne peuvent plus payer pour l'éducation de leurs enfants. Ceux qui n'abandonnent pas l'école doivent souvent travailler de longues heures après l'école.

De plus, des études révèlent que lorsque les revenus diminuent, ce sont les filles qu'on retire des écoles avant les garçons, souvent pour les charger de tâches ménagères que la mère est incapable d'effectuer car elle a dû chercher un travail rémunéré dans un «secteur formel ou informel».

En Indonésie, on rapporte que de plus en plus de garçons abandonnent l'école pour se joindre au programme padat karya, un programme de projet de travail intensif.

[Traduction]

Le travail des enfants et la prostitution enfantine ont augmenté en conséquence. Les patrons emploient des enfants parce qu'ils peuvent les rémunérer très faiblement et les exploiter plus facilement. Les parents estiment qu'ils n'ont pas le choix, car le maigre salaire que gagnent leurs enfants peut s'ajouter au revenu familial. Dans un article publié dans le New York Times du 8 juin 1998, l'auteur écrit:

La plupart des indices relatifs au coût humain sont de nature anecdotique, recueillis à l'occasion de voyages dans des régions isolées d'Asie et d'après les constatations de cliniques rurales et de travailleurs sociaux comme les représentants sur le terrain de l'organisme de secours Oxfam. Ils signalent que beaucoup de mères indonésiennes n'ont plus les moyens d'acheter du lait, dont le prix a triplé, et font boire du thé à leurs bébés.

Le tableau qui en ressort révèle des hausses du taux de mortalité, de décrochage scolaire et de malnutrition. Certains spécialistes disent que les séquelles de la crise se feront sentir longtemps après que les économies de la région auront recommencé à tourner. «Lorsque les enfants sont mal nourris avant l'âge de cinq ans, leur intelligence s'en ressent de manière permanente», affirme le docteur Anugerah Pekerti, président de Vision mondiale en Indonésie. «Quand on combine les deux facteurs que nous observons - la malnutrition et l'incidence sur le quotient intellectuel, et l'abandon de l'école au niveau élémentaire - cela aura des répercussions très dévastatrices dans 10 ans», a ajouté le docteur Pekerti.

Même durant les années de prospérité économique, 39 p. 100 des enfants indonésiens étaient mal nourris, d'après les chiffres de la Banque mondiale. La plupart des spécialistes s'attendent à ce que ces chiffres augmentent.

La crise économique produit déjà des conséquences très pénibles sur le plan humain, qui s'aggraveront probablement encore au cours des prochains mois. Il est d'une importance vitale que le développement humain soit protégé durant la récession, non seulement pour éviter des souffrances humaines mais aussi pour faciliter la reprise de la croissance économique, puisque la détérioration de la situation sur les plans de l'éducation, de la santé et de l'alimentation auront des répercussions économiques malheureuses.

[Français]

Honorables sénateurs, en conclusion, permettez-moi de citer le rapport à la page 121 de la version française, à la toute fin du chapitre 7:

La crise dans la région de l'Asie-Pacifique a fait ressortir l'importance de s'attaquer au problème des droits de la personne, non pas séparément, mais en tant qu'élément intégral du bon gouvernement et de politiques économiques saines.

[Traduction]

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que cet article demeure inscrit au nom de l'honorable sénateur Andreychuk?

Des voix: D'accord.

(Le débat est ajourné).

 

La violence familiale

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, attirant l'attention du Sénat sur la violence familiale dans notre société et, en particulier, sur la nécessité de prendre des mesures coopératives pour trouver des solutions aux divers aspects de cette forme de violence.-(L'honorable sénateur Robertson).

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Carstairs d'avoir pris l'initiative de cette interpellation sur la violence familiale et sur la violence faite aux femmes. Je la félicite d'avoir exposé la nature de la violence familiale au Canada et d'avoir reconnu la nécessité de trouver des solutions à cette forme de violence.

Honorables sénateurs, nous devenons souvent quelque peu blasés devant notre prospérité et notre vie relativement chanceuse. Après tout, les richesses du Canada, les compétences de nos ressources humaines et notre niveau de vie font l'envie du monde entier. Cependant, nous devons parfois nous rappeler d'une réalité plus importante. Cette notion du Canada est-elle réaliste?

Notre économie est loin d'être aussi forte qu'elle devrait l'être. Dans son rapport annuel sur le Canada, l'OCDE nous prévient que, si la tendance se maintient, le revenu par habitant du Canada par rapport à celui des pays avec lesquels nous faisons habituellement concurrence et qu'on compare avec le Canada risque de diminuer considérablement.

(1600)

Aujourd'hui, notre système de soins de santé est en crise. Il ne s'est pas remis des compressions de 6 milliards de dollars décrétées dans le budget de 1995 à l'encontre des paiements de transfert aux provinces, mesure que le Conseil national du bien-être a appelées:

 

[...] la pire initiative sociale prise par le gouvernement fédéral en plus d'une génération.
Le niveau de pauvreté chez les enfants de notre pays est une honte nationale. Tragiquement, le problème n'a fait qu'empirer depuis que l'autre endroit en a décrété l'élimination et depuis la tenue de cette grande conférence consacrée à l'élimination de la pauvreté.

Selon Campagne 2000, le nombre d'enfants pauvres au Canada a augmenté de 58 p. 100. Le nombre d'enfants dont la famille est touchée par le chômage à long terme a augmenté de 47 p. 100. Le nombre d'enfants dont la famille dépend de l'assistance sociale a augmenté de 68 p. 100. Le nombre d'enfants vivant dans une famille monoparentale a augmenté de 64 p. 100.

Honorables sénateurs, ces statistiques provoquent un dur réveil. Elles secouent notre complaisance et nous empêchent de croire que tout va bien, sous prétexte que l'ONU dit que le Canada est le meilleur pays de la planète. Je crois que c'est vrai à bien des égards, mais nous devons admettre que tous les membres de notre société n'ont pas droit au même niveau de sécurité, de sûreté et de stabilité.

Si je signale ces statistiques, ce n'est pas à des fins politiques, mais parce que beaucoup de ces données ont des répercussions directes sur la sécurité de la famille.

C'est pourquoi je me suis réjouie de l'interpellation du sénateur Carstairs, qui cherche à nous sensibiliser davantage au problème de la violence familiale au Canada et à la nécessité de collaborer pour trouver des solutions. Il tombait bien que ce débat s'amorce le jour anniversaire du massacre de 14 jeunes femmes à Montréal.

En ouvrant le débat, le sénateur Carstairs a dit que nous vivions dans une société qui s'inquiète de plus en plus des problèmes de violence. La Fondation Muriel McQueen Fergusson décrit la violence familiale en ces termes:

 

C'est la maladie la plus insidieuse et la plus répandue de notre société. Très souvent, elle n'est pas dénoncée. Elle touche toutes les couches de la société, ne connaît pas de frontière et n'épargne aucun groupe religieux ou ethnique, aucun niveau de revenu. Les victimes de la violence familiale sont les membres de notre société qui sont les plus vulnérables: enfants, femmes, personnes âgées ou handicapées. Dans bien des collectivités au Canada, on risque plus d'être agressé chez soi par un membre de la famille que dans la rue par un étranger. Pour un fort pourcentage de Canadiens, le foyer n'est pas un refuge sûr, et l'image idéalisée de la famille n'est qu'un mythe.
Dans son exposé, le sénateur Carstairs a décrit de façon saisissante la nature du problème de la violence familiale au Canada. Je voudrais pour ma part m'attarder à en mesurer l'ampleur. La violence familiale n'est que trop fréquente. Les statistiques que voici sont renversantes.

La moitié de toutes les Canadiennes ont vécu au moins un incident de violence après leur seizième année. Environ 29 p. 100 des femmes qui ont été mariées ont été agressées physiquement par leur conjoint. Pour la moitié de ces femmes, il s'agissait d'agressions graves.

En ce qui concerne les mauvais traitements dont les enfants sont victimes, les enfants représentent 24 p. 100 de la population canadienne et ont été victimes de 22 p. 100 de tous les crimes violents. Soixante pour cent des agressions sexuelles rapportées à la police impliquaient des enfants, et dans un tiers des cas, l'auteur de l'agression était un membre de la famille.

Les mauvais traitements ne s'arrêtent pas avec l'âge. En effet, 91 p. 100 des crimes rapportés contre des personnes âgées et commis par des membres de la famille étaient des agressions physiques. Les femmes âgées continuent d'être victimes de mauvais traitements de la part de leurs conjoints au fur et à mesure qu'elles vieillissent. Elles sont plus souvent victimes de leur conjoint alors que pour les hommes âgés, les accusés sont le plus souvent des enfants d'âge adulte.

La violence familiale conduit souvent à la mort. Dans le cas de tous les homicides commis entre 1977 et 1996, un tiers des victimes avaient des liens de parenté avec leurs tueurs. Presque la moitié des homicides familiaux ont été commis par le conjoint. Les hommes sont plus susceptibles que les femmes de tuer leur conjointe. Ainsi, 1 525 femmes ont été tuées par leur mari comparativement à 513 maris tués par leur femme. Dans 22 p. 100 des cas, un enfant a été tué par un parent, alors que 10 p. 100 des victimes étaient des parents tués par un enfant.

Certains enfants font subir des mauvais traitements à leurs parents. Les recherches actuelles montrent qu'entre 7 et 12 p. 100 des enfants de moins de 18 ans ont déjà agressé leurs parents. Environ 3 p. 100 ont utilisé des armes à feu et des couteaux pour ce faire.

Honorables sénateurs, la violence contre les femmes et les enfants dans ma province, le Nouveau-Brunswick, est beaucoup trop courante. Des chiffres récents ont montré que la police du Nouveau-Brunswick a répondu à 866 appels dans les cas de violence contre les femmes et s'est occupée de 291 cas de mauvais traitements d'enfants. Entre 1993 et 1996, les agressions contre les femmes ont augmenté de 21 p. 100, ce qui est inquiétant. Il est également important de reconnaître que les femmes et les enfants sont victimes de types différents de violence. En effet, 79 p. 100 de tous les incidents rapportés de violence contre les femmes étaient des voies de faits simples alors que dans 51 p. 100 des cas où des enfants avaient été victimes de mauvais traitements, il s'agissait d'agressions sexuelles.

Les données des tribunaux du Nouveau-Brunswick montrent que sur les 590 accusations portées relativement à la violence contre les femmes en 1996, dans 55 p. 100 des cas les auteurs ont été déclarés coupables, dans 5 p. 100 des cas, ils ont été reconnus non coupables et dans les autres cas, les accusations ont été retirées ou rejetées ou étaient en suspens à la fin de l'année.

En 1996, 157 accusations de violence à l'égard d'enfants ont été portées devant les tribunaux. Un verdict de culpabilité a été rendu dans 50 p. 100 des cas et un verdict de non-culpabilité dans 3 p. 100 des cas. Les autres accusations ont été retirées, rejetées ou se sont trouvées en suspens à la fin de l'année.

Les chercheurs du Muriel McQueen Fergusson Centre for Family Violence ont mené une étude sur la sévérité des agressions sexuelles et la nature des contrevenants sexuels au Nouveau-Brunswick. Ils ont découvert que, en 1994, même si le taux d'agressions sexuelles déclarées au Nouveau-Brunswick était supérieur à la moyenne nationale, le nombre de crimes solutionnés par la police était inférieur. Dans plus de la moitié des cas, la victime avait été agressée par un membre de sa famille.

Honorables sénateurs, les statistiques n'illustrent qu'une facette de la violence familiale. L'autre aspect de la violence familiale est plus difficile à saisir au moyen de statistiques. Par exemple, les enfants qui sont témoins de violence conjugale peuvent être tout aussi durement touchés que les enfants qui sont directement victimes d'une agression physique ou sexuelle. Les enfants qui vivent dans un climat de violence sont plus susceptibles de ressentir de la peur, de l'angoisse, de la confusion et de la colère et de voir leur vie perturbée. C'est ce qu'on appelle, naturellement, la violence psychologique.

Une fillette qui voit sa mère se faire attaquer par son père apprend ce qu'est la victimisation. Un garçon qui voit son père attaquer sa mère apprend que la violence est un comportement acceptable. Les enfants témoins de violence sont plus susceptibles de devenir des victimes à leur tour. À mesure que les enfants violentés vieillissent, ils peuvent opter pour l'alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance, la violence criminelle, la prostitution ou le suicide.

Les gens qui travaillent directement avec des adolescents fugueurs et prostitués confirment que la violence familiale oblige de nombreux adolescents à quitter leur foyer. Sur les 45 000 cas de jeunes fugueurs signalés à la police en 1990, 90 p. 100 étaient le fait de jeunes ayant quitté un foyer où il y avait de la violence. Ils se sentaient plus en sécurité dans la rue qu'à la maison.

Le cycle de la violence peut être enrayé. Toutes les victimes de mauvais traitements ne deviennent pas nécessairement des agresseurs. La victimisation ne cause pas la violence familiale, mais elle y contribue. Des études qui ont permis de suivre jusqu'à l'âge adulte des enfants victimes de violence familiale révèlent qu'environ les deux tiers réussissent à surmonter leurs préjudices et à mener des vies productives et exemptes de violence.

Les sénateurs Carstairs, Spivak et Andreychuk ont déjà mentionné que le problème de la violence familiale est complexe, terrifiant et coûteux. J'ai montré qu'il est généralisé. Nous n'avons pas toutes les réponses. Nous devons mettre un terme à la violence. Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Nous devons en savoir plus sur ce terrible fléau social afin de pouvoir faire davantage pour l'éviter et pour composer avec ses graves répercussions.

(1620)

De nombreux organismes, particuliers, fondations et centres de recherche travaillent avec diligence et font une différence dans la quête pressante de solutions. Qu'on songe seulement à la Muriel McQueen Fergusson Foundation et au Muriel McQueen Centre for Family Violence Research, qui a son siège social au Nouveau-Brunswick. La fondation a été établie en 1985 à titre de fiducie de bienfaisance chargée de financer des projets de recherche sur la violence familiale et de parrainer des programmes de sensibilisation de la population. La fondation a pris le nom de feue l'honorable Muriel McQueen Fergusson en reconnaissance de la contribution exceptionnelle que celle-ci a apportée pendant de nombreuses années dans le domaine de l'action sociale et de la justice. J'ai personnellement beaucoup d'admiration pour madame le sénateur Fergusson et je pense souvent à elle dans l'exercice de mes fonctions au Sénat. Elle nous manque certes beaucoup dans notre province. Aujourd'hui, je rends hommage à sa façon calme et patiente d'agir, à son zèle en faveur du changement et, surtout, à son inspiration qui a entraîné la création de la fondation et du centre qui portent son nom.

Les objectifs de la fondation sont de mener des campagnes d'éducation de la population afin de changer les mentalités et de faire mieux comprendre le problème de la violence familiale, d'appuyer la recherche sur les différents aspects de la violence familiale et de développer une voix nationale. Depuis son établissement, en 1985, la fondation a permis de s'attaquer à des problèmes de violence familiale au Nouveau-Brunswick en parrainant ou en finançant diverses activités, dont des campagnes radiophoniques et télévisuelles de sensibilisation, en organisant un symposium national sur la violence familiale, en accordant des subventions à diverses organisations pour la réalisation de programmes, services et projets de recherche spéciaux et en créant un prix pour récompenser une personne ou une organisation qui ont travaillé à la suppression de la violence familiale.

Chose importante, la fondation a établi un fonds de fiducie de 2,5 millions de dollars pour soutenir un centre de recherche sur la violence familiale dans la région de l'Atlantique. Le Muriel McQueen Fergusson Centre for Family Violence Research de l'Université du Nouveau-Brunswick a été créé en 1992, après qu'eut été approuvée la proposition de l'UNB et de la fondation et que des fonds fédéraux soient libérés dans le cadre de l'Initiative fédérale en matière de violence familiale.

Le centre est le seul du genre dans la région de l'Atlantique. Des cinq centres de recherche de tout le pays, il est le seul à desservir les collectivités des deux langues officielles. Il a pour principal objectif de réduire et de supprimer éventuellement la violence familiale au moyen de recherches menées en collaboration par l'université et la communauté. Cette approche est unique en ce sens que les bénéficiaires de la recherche y participent dès le départ, ce qui en fait de la recherche appliquée.

Plus de 210 chercheurs universitaires et communautaires participent à 20 projets conçus pour offrir des moyens pratiques et pragmatiques de lutter contre la violence familiale. La recherche a porté notamment sur la violence familiale en milieu rural, dans les localités éloignées et les groupes culturels isolés.

Les équipes de chercheurs sont de plus en plus composées d'habitants de la région de l'Atlantique, dont l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, et on compte deux équipes de francophones à Moncton.

Parmi les sujets de recherche en cours, on compte la détermination des besoins des femmes battues en milieu agricole et rural, une enquête plus poussée sur la violence familiale dans les Forces armées canadiennes, le développement de moyens par lesquels les communautés religieuses pourraient remédier efficacement au problème de la violence familiale, la conception de stratégies préventives pour éliminer le harcèlement sexuel dans les établissements scolaires, aussi bien que 16 autres études d'égale importance.

En plus de ce programme de recherche, le centre s'occupe d'une série d'initiatives de sensibilisation publique, de la formation des étudiants en recherche sur la violence familiale, et a créé un programme de certificat pour les questions de violence familiale.

Honorables sénateurs, la Muriel McQueen Fergusson Foundation et le Muriel McQueen Fergusson Centre for Family Violence Research sont à l'avant-garde de la bataille dans ma région, qui considère la violence familiale pour ce qu'elle est vraiment, un problème de société. C'est par des initiatives de sensibilisation publique et des projets de recherche que ces deux organismes semblables, mais distincts, font des progrès et trouvent des moyens de prévenir la violence familiale tout en aidant ceux qui en sont victimes.

Ces organismes mènent la bataille contre la violence familiale au Nouveau-Brunswick, mais ils sont appuyés par des organismes moins connus et tout aussi dévoués. Je dois mentionner quatre groupes qui poursuivent des initiatives innovatrices. Men Against Sexual Aggression, MASA, est un groupe d'étudiants de sexe masculin de l'UNB et de l'Université Saint Thomas qui donnent de leur temps pour aider d'autres étudiants à examiner leurs attitudes en matière de relations romantiques avec les femmes et contribuer à prévenir les agressions sexuelles contre des étudiants. Making Waves est un camp et un atelier pour élèves du secondaire sur la violence dans les fréquentations. Il s'adresse aux élèves et au personnel des écoles secondaires de la province qui y viennent pour un week-end afin de pouvoir donner des conseils à leurs pairs sur la violence dans les fréquentations. Le Centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle de Fredericton est le seul service de ce genre offert dans notre province. Créé en 1975, il compte un service d'écoute téléphonique accessible 24 heures par jour, sept jours par semaine, un programme de jour de prévention de la violence et un programme de consultation pour les victimes d'agression sexuelle. Je tiens également à féliciter le programme Caring Partnership Communities. Il s'agit d'un réseau de communautés du Nouveau-Brunswick, qui participent individuellement à des campagnes de sensibilisation et de prévention de la violence familiale, mais qui trouvent entre elles le soutien et l'orientation dont elles ont besoin. Les projets de Caring Partnership constituent un moyen efficace de promouvoir les solutions communautaires ou populaires à des problèmes de violence familiale.

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur, mais son temps de parole de 15 minutes est terminé.

Le sénateur Robertson: Pourrais-je avoir une minute de plus?

Son Honneur le Président: Permission accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, il semble parfois utopique d'espérer voir disparaître la violence familiale. C'est peut-être effectivement un souhait utopique. Je trouve cependant une source d'encouragement dans l'ardeur et l'exemple que montrent les groupes dont j'ai parlé cet après-midi. Je persiste à croire que nous sommes de plus en plus capables de reconnaître les problèmes de violence familiale et d'y trouver des solutions.

Nous ne pourrons mettre un terme à la violence familiale tant que nous ne reconnaîtrons pas que nous avons tous et chacun un rôle à jouer à cet égard. Nous ne pouvons pas laisser cette responsabilité aux autres, les gouvernements, les fondations, les centres de recherche et les riches sociétés. Il appartient à chacun d'entre nous de travailler à l'élimination de la violence familiale et d'oeuvrer de concert avec les institutions pour débarrasser la société de ce grave problème social et criminel.

C'est ce que nous a enseigné madame le sénateur Muriel McQueen Fergusson. Si chacun d'entre nous prend ses responsabilités, nous pourrons vraiment changer les choses. Il suffit de voir ce qu'a fait le sénateur Fergusson pour comprendre à quel point les efforts d'une seule personne peuvent changer la vie d'un grand nombre de personnes.

Je remercie une fois de plus le sénateur Carstairs d'avoir fait cette interpellation. J'espère sincèrement que le sujet ne sera pas oublié après la fin du débat actuel. J'espère que nous continuerons de surveiller la situation.

Je souhaite bon succès au sénateur Carstairs et à sa fondation et à son centre dans l'Ouest. Je conviens que nous devons demeurer vigilants au sujet de la violence familiale si nous voulons réussir à l'éliminer.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

 

Question de privilège

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, en intervenant dans le débat sur la question de privilège, je tiens à apporter quelques éléments d'information.

Un article paru dans l'édition canadienne du magazine Hustler de février 1999 parle de la ministre du Patrimoine canadien, l'honorable Sheila Copps. Ce numéro est apparu dans les kiosques à journaux du Canada pendant la première semaine de janvier de cette année. Comme les honorables sénateurs s'en souviennent, le Sénat a ajourné le 10 décembre pour son congé de Noël et n'a repris ses travaux qu'aujourd'hui. L'alinéa 43(1)a) du Règlement du Sénat prévoit qu'une question doit être soumise à la première occasion pour obtenir un statut prioritaire. Puisque j'ai donné un avis écrit ainsi qu'un avis oral en bonne et due forme aujourd'hui, je prétends que le critère prévu dans le Règlement a été respecté.

Honorables sénateurs, c'est sans aucun plaisir et sans aucune satisfaction que je soulève la question de privilège. Ce faisant, je dois inévitablement attirer l'attention sur cette publication que je juge crue et inacceptable. Je traiterai plus longuement de cet aspect plus tard. Cependant, je veux me concentrer sur la façon dont cela se rapporte au bon fonctionnement du Parlement et en particulier de ses deux Chambres.

Dans le numéro de Hustler, Mme Copps fait l'objet d'un concours obscène. Les lecteurs sont invités à écrire un texte sur un fantasme sexuel mettant en scène Mme Copps et à associer celle-ci à une photographie choisie parmi une série de photographies obscènes. Le magazine offre un abonnement d'un an au gagnant, dont la réponse sera publiée dans le numéro de décembre 1999.

Honorables sénateurs, la question de privilège que je soulève n'a pas principalement trait à ce que j'estime être offensant pour une personne. En tant que citoyenne, Mme Copps peut décider de poursuivre le magazine en dommages-intérêts puisque le texte la concernant peut, à mon avis, être perçu comme un libelle diffamatoire en vertu de la common law.

Je soulève cette question de privilège parce que, selon moi, cette attaque contre Mme Copps a manifestement pour but d'entraver une députée de l'autre endroit dans l'exercice de ses fonctions, que ces fonctions soient remplies en cette enceinte ou à l'autre endroit. Je sais pertinemment que c'est Mme Copps qui est visée, que celle-ci n'est pas sénateur et que le Règlement du Sénat, si on le lit attentivement, porte que chaque sénateur a le devoir de faire respecter les privilèges du Sénat, mais pas nécessairement ceux de l'autre endroit.

Honorables sénateurs, Mme Copps est ministre. C'est en cette qualité qu'elle a présenté une proposition du gouvernement au Parlement. Il est exact qu'elle l'a d'abord présentée à l'autre endroit, mais, comme nous le savons, le gouvernement présente souvent ses projets de loi au Sénat en premier. Nous en avons d'ailleurs plusieurs à l'étude en ce moment. Le gouvernement est représenté ici par un ministre. Par conséquent, la mesure dont le Parlement est saisi n'est pas une mesure législative d'initiative parlementaire, présentée par un député ou par un sénateur, mais une mesure législative d'initiative ministérielle.

Dans le cas présent, cette initiative correspond à la proposition législative du gouvernement qui figure dans le projet de loi C-55 concernant la question des éditions à tirage dédoublé. Il faut ici comprendre que dans l'autre Chambre, le gouvernement a présenté une proposition législative et que, de ce fait, Hustler a attaqué de façon égrillarde la ministre qui a présenté cette initiative du gouvernement.

Honorables sénateurs, nous étudions assez souvent des propositions législatives qui sont devant l'autre Chambre, avant que cette dernière en ait terminé l'examen complet dans le cadre des première et deuxième lectures, de l'étude en comité et de la troisième lecture. Nous effectuons souvent des études préalables. Par conséquent, le fait que le projet de loi C-55 ne nous soit pas encore parvenu ne constitue pas un motif de justification, ou encore l'argument contraire tient au fait qu'aucun privilège du Sénat n'est remis en question parce que le projet de loi se trouve toujours dans l'autre Chambre. Par conséquent, le sujet qui y est abordé pourrait être étudié par le Sénat avant même que le document nous soit transmis.

Je tiens à rappeler que même si notre Règlement évoque l'obligation pour tous les sénateurs de défendre les privilèges du Sénat et des sénateurs, le fait que cette attaque ou intrusion vise une députée de l'autre Chambre ne nous dégage absolument pas, selon moi, de l'obligation de considérer qu'il s'agit là d'un cas d'entrave aux privilèges de cette Chambre.

Durant nos délibérations, il se peut que les sénateurs veuillent exprimer ouvertement une opinion au sujet de cette initiative gouvernementale. À mon avis, il se pourrait que nous hésitions à exprimer ouvertement notre opinion, sachant que nous pourrions faire l'objet d'un concours obscène, comme c'est le cas de la ministre dans cette publication. Je crois qu'il se peut que cela soit arrivé parce qu'on ne connaissait pas la tradition canadienne de démocratie parlementaire. Le fait est que nous ne sommes pas ici aux États-Unis. Nous sommes tous au courant des loufoqueries de Larry Flynt aux États-Unis, le propriétaire du magazine Hustler, et des attaques que lui-même et son magazine lancent contre des membres du Congrès américain. Il y a un autre concours actuellement aux États-Unis, et nous devons laisser nos voisins du sud régler cette question.

Au Canada, dans notre système parlementaire, nous devons nous assurer que les mesures dont le Parlement est saisi peuvent être débattues librement et ouvertement. En fait, le mot même que nous utilisons pour décrire notre institution est le mot Parlement, qui désigne l'endroit où nous pouvons nous exprimer librement. À mon avis, la menace de ce genre d'attaque dans un magazine comme Hustler peut certainement amener un sénateur ou un député à hésiter à s'exprimer librement.

Honorables sénateurs, je soutiens que l'attaque contre Mme Copps est en fait une attaque contre tous les parlementaires qui servent cette institution au nom des Canadiens. Le message est clair: si nous n'aimons pas vos politiques ou vos opinions, nous ferons de vous l'objet d'un concours obscène.

Honorables sénateurs, dans son ouvrage intitulé Parliamentary Practice, 22e édition, à la page 121, Erskine May dit ceci:

La Chambre prendra des mesures contre quiconque nuit aux députés dans l'exécution de leurs responsabilités envers la Chambre ou dans leur participation à ses travaux.

À la page 123, May ajoute:

Essayer d'intimider un député dans sa conduite parlementaire au moyen de menaces est aussi un outrage...

À la page 124, il y est dit:

Des tentatives faites en recourant à des moyens abusifs d'influencer les députés dans leur conduite parlementaire peuvent être considérées comme des outrages.

Joseph Maingot souligne ce qui suit dans Le privilège parlementaire au Canada, aux pages 245 et 246:

L'entrave doit viser l'activité parlementaire [...] et faire appel à des moyens abusifs.

Maingot ajoute:

C'est pourquoi toutes les entraves au privilège de la liberté de parole des députés, comme la publication d'articles et autres formes de déclarations publiques, ne constituent pas des atteintes au privilège, bien qu'elles puissent influencer l'attitude des députés dans leur travail parlementaire. Par conséquent, tous les actes émanant d'un organisme extérieur et susceptibles d'influencer l'activité parlementaire d'un député ne doivent donc pas être considérés comme des atteintes au privilège, même s'ils visent à faire pression sur le député pour qu'il intervienne dans le sens souhaité.

Le passage suivant est important. Maingot écrit ceci:

Cependant, toute manoeuvre visant à entraver ou à influencer l'action parlementaire d'un député par des moyens abusifs peut constituer une atteinte au privilège. C'est en fonction des faits de l'espèce qu'on détermine ce qui constitue un moyen de pression inadmissible. Finalement, il doit exister un lien entre les éléments qui sont censés établir l'ingérence et les délibérations du Parlement.

Honorables sénateurs, comme je l'ai mentionné dans mon survol de ces remarques, c'est la ministre Copps qui parraine le projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques. Le projet de loi C-55 a franchi l'étape de la première lecture à la Chambre des communes le 8 octobre 1998 et il est toujours à l'autre endroit.

Le projet de loi C-55 rendrait illicite la sollicitation d'annonceurs canadiens pour qu'ils achètent de l'espace publicitaire dans des revues à tirage dédoublé, c'est-à-dire des éditions canadiennes de publications américaines ayant un faible contenu rédactionnel canadien.

Si le projet de loi C-55 est adopté, seuls les éditeurs de périodiques canadiens pourront vendre leurs services publicitaires destinés au marché canadien. Le non-respect de la loi canadienne pourrait entraîner des amendes pouvant aller jusqu'à 100 000 $ pour les personnes physiques et jusqu'à 250 000 $ pour les personnes morales étrangères.

Honorables sénateurs, il est on ne peut plus évident que le magazine Hustler s'oppose au contenu du projet de loi C-55. L'édition canadienne du Hustler est publiée par BRZ Publications Inc., à Saint-Jérôme, au Québec. Sa publicité est organisée par Northland Media Inc.

Le 17 septembre 1994, le Globe and Mail a publié un article qui disait ceci:

 

Ottawa ferme la porte à une revue de sexe américaine. L'édition à tirage dédoublé enfreint la politique de protection de l'industrie nationale.
L'article poursuit:

 

Revenu Canada a bloqué une édition canadienne à tirage dédoublée de Hustler, la revue américaine de sexe explicite. Le Northland Group Inc., une société basée à Oakville, en Ontario, qui a été créée cet été dans le but d'attirer des annonceurs locaux, avait organisé des plans pour la revue. «On vient de nous apprendre que nous ne sommes pas autorisés. Je me retrouve maintenant sans emploi» a déclaré un porte-parole de Northland sous le couvert de l'anonymat.
En ce qui concerne le numéro de février 1999 de Hustler, les médias nationaux et internationaux n'ont pas manqué de faire un rapprochement entre l'article publié dans Hustler et la position de la ministre Copps à l'égard du projet de loi C-55. Un article paru dans la dernière édition du Calgary Herald, soit celle du 13 janvier 1999, se lit comme suit:

 

Quoi de neuf: La revue de pornographie explicite Hustler a lancé une attaque contre la ministre de Patrimoine Canada Sheila Copps en raison de sa position à l'égard des publications américaines à tirage dédoublé.
Le Toronto Sun, dans son édition du 14 janvier 1999, rapporte une déclaration du député provincial Dominic Agostino:

 

Hustler tente de «faire du chantage politique» auprès de Copps, qui est sur le point d'imposer de nouveaux règlements rigoureux aux revues américaines.
Le 15 janvier, le Boston Globe titrait:

 

Querelle US-Canada menaçant les pactes commerciaux
L'article disait:

 

Pour compliquer encore la situation, le magazine Hustler, propriété de Larry Flynt, a publié une satire vulgaire de la situation créée par la Canadienne qui formule les critiques les plus virulentes à l'endroit des politiques commerciales américaines, la ministre du Patrimoine, Mme Sheila Copps.
Honorables sénateurs, je crois que c'est à l'avantage de BRZ Publications et des responsables de cette honteuse attaque à l'endroit de Mme Copps d'expliquer devant un comité parlementaire pourquoi cette société a choisi d'avoir recours à ces tactiques sexistes pour manifester son opposition au projet de loi C-55 plutôt que de faire connaître son point de vue au Parlement par des moyens plus acceptables au Canada.

Ce genre d'attaque à l'endroit d'un député affecte tous les parlementaires. Cela risque de refroidir les ardeurs de tous ses collègues. Il ne devrait pas y avoir d'obstruction ou de tentative d'influence à l'égard de notre travail par des moyens impropres comme ceux qu'a utilisés le magazine Hustler.

Honorables sénateurs, à première vue, je suis sûr que les éditeurs canadiens de Hustler ont écrit cet article dans le but réel de tenter d'intimider les deux Chambres du Parlement, en intimidant la ministre parce que c'est elle qui a présenté le projet de loi au nom du gouvernement et parce que, à leur avis, ce projet de loi contrevient à leurs intérêts égoïstes.

Si Votre Honneur statue que cette question de privilège paraît fondée à première vue - comme je crois que vous le ferez - je proposerai une motion en conséquence. Je devrais toutefois faire remarquer que le Président décide seulement si la question de privilège est fondée. L'affaire est ensuite renvoyée à un comité car c'est le Sénat qui décide s'il y a effectivement atteinte aux privilèges parlementaires.

Je pense qu'un simple coup d'oeil à cette publication suffit à établir aux yeux de tous qu'il s'agit d'une attaque contre une ministre. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec cette ministre, mais je défendrai jusqu'au bout son droit d'exprimer ses opinions au Parlement, tout comme je défendrai jusqu'au bout le droit des députés et des sénateurs d'agir comme ils le jugent bon dans l'intérêt des Canadiens, ceci de façon ouverte et libre et sans se laisser intimider.

J'invite les honorables sénateurs à examiner la question. J'invite aussi Votre Honneur à trancher si la question de privilège paraît fondée à première vue, conformément au Règlement du Sénat du Canada.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, si vous le permettez, je voudrais poser une ou deux questions à l'honorable sénateur.

Ai-je raison de penser que le sénateur est en train de dire que la revue Hustler est un périodique à tirage dédoublé? Dans ce cas, connaît-il les noms des annonceurs canadiens qui font appel à ce périodique?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je n'en ai aucune idée. Il y a apparemment une compagnie à Oakville, en Ontario, qui essaie de vendre des annonces publicitaires au Canada. Que je sache, cela correspond à la définition d'un périodique à tirage dédoublé. Il y a à Saint-Jérôme, au Québec, une maison de publicité qui passe des annonces dans l'édition canadienne.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, si je pose cette question, c'est que d'après ce que je comprends, les périodiques à tirage dédoublé contiennent des annonces publicitaires canadiennes.

Je voudrais poser une autre question au sénateur. Le sénateur a fait valoir essentiellement que la publication de l'article en question visait vraisemblablement à intimider les membres des deux Chambres du Parlement du Canada. Le sénateur sait-il si des exemples comparables d'actes d'intimidation commis par les mêmes moyens ont été examinés par les Communes ou par le Sénat depuis la Seconde Guerre mondiale?

Je crois qu'il y a eu un cas de ce genre en 1906. Je me rappelle que le présumé contrevenant a été reconnu coupable et a été incarcéré dans la prison d'Ottawa. À Londres, bien sûr, il aurait été envoyé dans la tour, mais à Ottawa, nous n'avons pas de lieux de détention suffisamment inconfortables. Il faudrait répondre à cette question-ci avant que nous n'allions trop loin dans ce dossier. Quels sont les précédents dans ce dossier, et serait-il conforme à ces précédents d'intervenir?

Je suis très impressionné par le fait que le sénateur ne nous ait pas donné de noms. On peut concevoir que, s'il est décidé à priori qu'il y a matière à une question de privilège, et que les privilèges du Sénat ont été bafoués, une ou plusieurs personnes seront convoquées devant le Sénat. J'aimerais connaître leur identité. Je ne pense pas qu'il suffise, même à ce stade préliminaire, de parler d'une personne morale; il nous faut une personne physique, c'est à dire soit l'éditeur américain soit son représentant au Canada. Si on pouvait nous fournir ce renseignement, ce serait très utile.

Le sénateur peut-il nous donner ce renseignement maintenant, ou le fera-t-il plus tard?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je ne connais pas le nom de l'éditeur au Canada. Toutefois, je suis sûr que cela ne devrait pas être très difficile à trouver. Je pense qu'il est indiqué au verso de la page couverture. Par conséquent, je crois qu'il devrait nous être facile de trouver le nom du responsable. Il est à Saint-Jérôme, au Québec, puisque c'est là qu'est publiée cette revue.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, est-ce que le sénateur sait si la question de privilège a été posée dans l'autre endroit au sujet de cette publication? Il se pourrait qu'elle l'ait déjà été, auquel cas, pour de raisons pratiques, il ne serait pas nécessaire d'avoir les deux en même temps.

Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur ce sujet. Je ne voudrais pas laisser entendre que, si une question de privilège n'a pas été soulevée à l'autre endroit, la question de privilège que soulève l'honorable sénateur n'est pas valable. Si l'on pouvait prouver que la publication avait pour but prétendu d'intimider les membres des deux Chambres, tout porterait à croire que l'accusation était valable à première vue.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, hier j'ai regardé tous les travaux télévisés de la Chambre des communes attendant et, si je puis dire, espérant qu'une question de privilège serait soulevée. Les députés se laissent accaparer par leurs travaux. Je ne comprends pas leur action ou leur inaction. J'ignore également s'ils sont assujettis aux mêmes contraintes de temps que nous.

Cependant, il reste que le sujet n'a pas donné lieu à une question de privilège à l'autre endroit et que c'est la première fois que j'ai l'occasion de le faire au Sénat. Je suis d'accord avec la thèse du sénateur voulant que, dans la mesure où le Sénat est concerné, le fait de soulever une question de privilège n'a rien à voir avec le fait que cette même question de privilège ait pu être soulevée ou non à l'autre endroit. Compte tenu du sérieux qui caractérise les travaux du Sénat, il est peut-être nettement préférable qu'une question de ce genre soit traitée au Sénat.

L'honorable sénateur m'a demandé s'il existait des précédents. Je n'ai rien pu trouver de comparable. De mémoire récente, nous avons discuté à l'occasion d'allégations de diffamation. Sauf erreur, le sénateur Carney a soulevé la question de privilège il y a un ou deux ans, et la présomption d'atteinte au privilège a été établie. L'affaire a été renvoyée au comité, qui n'a pas jugé que la question de privilège était fondée.

Je ne crois pas qu'il y ait eu de précédent concernant une attaque qui visait à entraver l'étude d'une mesure législative. D'habitude, il s'agit d'attaques personnelles. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne m'attarde pas à l'attaque personnelle. Je crois que la ministre a préféré ne pas relever l'affaire, ce qui était sans doute une décision judicieuse.

Par contre, une tentative d'intimidation de l'une des nôtres, qui devient l'objet d'un concours obscène à cause d'une position que nous songeons à adopter sur un sujet qui touche de près les intérêts de cette publication, c'est à mon avis une forme d'entrave au libre exercice de nos responsabilités parlementaires.

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, il y a deux points que je n'ai pas tout à fait compris. L'un en particulier exige plus ample examen. Je n'ai pas lu tous les éditoriaux sur cet incident dans la presse, bien que j'aie lu attentivement un article en particulier, dans lequel l'éditeur au Canada expliquait très clairement que le magazine n'était pas touché par cette mesure législative. Je ne puis cependant confirmer si c'est vrai. Nous voudrons peut-être examiner plus attentivement la question pour voir si le tirage dédoublé a une incidence sur ce périodique.

Si la mesure à l'étude ne touche pas cet éditeur, je dois m'inquiéter à propos d'autre chose. Je me rappelle l'incident où le magazine Frank s'en était pris dans la même veine à la fille d'un premier ministre. Aucune voix de protestation ne s'était élevée parce qu'il s'agissait d'un premier ministre impopulaire qui poursuivait une législation et une politique détestables mais nécessaires. Je serais encore plus révoltée si quelqu'un s'en prenait à mon enfant dans une veine stupidement pornographique que s'il s'en prenait à moi.

Dans notre recherche d'une réponse, ou notre quête de justice, nous devons tenir compte de ce précédent, car personne au Parlement à l'époque n'a soulevé d'objection à cette attaque insidieuse à l'endroit de Caroline Mulroney.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Kinsella d'avoir soulevé la question de privilège. À une époque où les médias profitent de la timidité avec laquelle le Parlement défend ses propres privilèges, je félicite le sénateur Kinsella d'avoir soulevé ce point très important. Comme vous le savez, cette question me tient à coeur.

Je voudrais aussi féliciter le sénateur Robertson qui a soulevé la deuxième question, qui se rapporte à la première. L'article très répugnant qui a été publié dans la revue en question et qui portait sur la fille du premier ministre Mulroney en a choqué plus d'un parmi nous.

Le temps est venu pour notre institution, le Parlement du Canada, d'examiner la question de ses propres privilèges et la réaction qu'il convient d'avoir dans de nombreuses situations similaires.

Je ne lis pas la revue Hustler, honorables sénateurs. Par conséquent, lorsque nous avons reçu cet avis à 14 heures, j'ai cherché à me documenter très rapidement. Rien de ce que le sénateur Kinsella a pu dire n'illustre toute l'ampleur de la pornographie que renferme cette revue. Il s'agit d'une oeuvre que je ne peux qualifier de «journalistique» ou de «littéraire», je dirai donc, au risque de me répéter, que c'est une oeuvre pornographique des plus scandaleuses et des plus offensantes.

Nous nous sommes fréquemment dérobés à nos obligations en la matière. Quand on voit la façon dont la ministre Sheila Copps est représentée dans cette revue, il apparaît évident à ceux qui ont travaillé dans le domaine de la médecine légale que cette publication a exposé la ministre Copps à l'attention de déviants sexuels. C'est dangereux. Cela représente un danger non seulement pour sa réputation, mais aussi pour son intégrité physique. Je crois que les images contenues dans cette revue représentent une menace pour la vie de la ministre. Cette question nous intéresse tous. Elle jette la honte sur nous tous, mais surtout sur le Parlement.

Le sénateur Kinsella a fait preuve de diligence et s'est montré très sensible à la possibilité que le projet de loi C-55 soit considéré comme un projet de loi émanant de la Chambre des communes. Je voudrais citer quelques précédents qui aideront Son Honneur le Président dans les décisions qu'il a à prendre, compte tenu que le sénateur Kinsella a fait son intervention aujourd'hui sur la base du paragraphe 43(1) du Règlement, qui fait uniquement référence à la responsabilité du Président de juger si la question de privilège paraît fondée à première vue. Comme le disait le sénateur Kinsella, il appartient au Sénat tout entier de juger s'il y a eu atteinte aux privilèges du Parlement et à ceux du Sénat en particulier.

L'article 9 du Bill of Rights de 1689 a réglé la question des privilèges parlementaires. Cet article stipule:

Que la liberté d'expression, de débat ou de délibération au Parlement ne peut être entravée ou remise en question par un tribunal ou dans quelque autre endroit à l'extérieur du Parlement.

Cet extrait vise de toute évidence l'ensemble des institutions parlementaires.

J'aimerais également citer un autre précédent, l'article 17 de l'Acte d'Amérique du Nord britannique, qui stipule:

Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des communes.

Pour moi, l'article 17 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique signifie que le Parlement du Canada est indivisible. Il y a un Parlement, qui est indivisible. Ce Parlement compte deux Chambres, mais il est lui-même indivisible.

Comme c'est le cas pour tout autre projet de loi, la lettre «C» qui figure dans l'expression projet de loi C-55 signifie simplement que ce projet de loi vient de la Chambre des communes. Comme tel, il constitue un texte qui émane du Parlement. Les projets de loi proviennent exclusivement du Parlement. Le fait qu'ils proviennent de la Chambre des communes a une importance accessoire. Les projets de loi proviennent d'abord et avant tout du Parlement. Ils sont examinés au Parlement, mais peuvent provenir de la Chambre des communes comme du Sénat.

Je pourrais également signaler que le Canada a un Cabinet qui est indivisible. Nous avons une ministre du Patrimoine canadien, la ministre Sheila Copps.

Le problème avec ces types de débats, c'est qu'ils se déroulent rapidement et avec peu de préavis. Je demande au sénateur Kinsella de m'excuser de ne pas être mieux préparée et organisée. Je me suis empressée de rassembler ces notes au cours des dernières minutes.

Je voudrais faire part aux honorables sénateurs de ma compréhension de ce qu'est un privilège et de ce que font les privilèges parlementaires. Qu'on ne s'y trompe pas, il n'est pas question des à-côtés ni des privilèges au sens commun ou même vulgaire du terme.

On peut dire que le droit du privilège parlementaire est un ensemble ancien de règles de droit qui englobe les droits anciens et indubitables du Parlement. Ce sont des règles de droit élaborées pour servir les droits de la population. Les privilèges parlementaires sont des règles qui garantissent au Parlement le libre exercice de ses fonctions de représentation, assurant ainsi aux citoyens une bonne représentation et un bon gouvernement.

(1710)

Le droit du privilège parlementaire est élaboré de concert avec un gouvernement représentatif et donc responsable. Même si ce droit est, en fait, ancien et son histoire très complexe, il évolue avec le travail quotidien du Parlement. En tant que partie intégrante des lois et coutumes du Parlement, il s'inscrit dans le droit général et public du Canada et doit donc être compris et connu par les propriétaires de la revue Hustler et les annonceurs dans cette revue. J'ai lu au cours de la dernière heure environ que certains petits commerces - Becker's ou Mac's, si je ne m'abuse - ont eu le mérite de retirer très rapidement de la circulation ce numéro de la revue Hustler. Les leaders ici devraient peut-être les féliciter de cet acte très noble car, en fait, ces commerçants, ces détaillants, ont respecté le droit national, vu que les privilèges parlementaires font partie intégrante du droit canadien.

Je tiens à citer aux sénateurs un extrait du rapport qu'a présenté en 1967 le comité spécial du privilège parlementaire de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Le voici:

Lorsque le Parlement revendique les droits et immunités, qu'on désigne collectivement par le terme «privilèges», et lorsque les parlementaires les exercent, ils le font [...] au nom des citoyens qu'ils représentent.

Au Canada, ces droits et immunités sont revendiqués au nom des citoyens canadiens.

Je tiens à citer aussi aux sénateurs le vicomte Kilmuir, lord chancelier du Royaume-Uni, qui a dit ceci:

Le privilège n'a jamais été accordé comme une fin en soi; il n'a jamais visé et ne vise toujours pas à profiter personnellement aux députés.

Honorables sénateurs, la question dont nous sommes maintenant saisis est de savoir si le sénateur Kinsella a établi à première vue qu'il s'est produit une irrégularité quelconque ou qu'il y a eu violation des privilèges du Parlement. Les voies de recours en cas de violation ou d'outrage sont bien connues, mais nous en sommes maintenant à demander au Président du Sénat de statuer si la question de privilège paraît à première vue fondée. À cette fin, je crois utile de rappeler à mes collègues la définition de l'expression «à première vue», car j'ai souvent constaté, ici comme à l'autre endroit, qu'il y a énormément de confusion quant à ce que la présidence est appelée à trancher.

J'ai cherché la définition de prima facie (à première vue) dans le Jowitt's Dictionary of English Law, un dictionnaire juridique qui fait autorité, et j'y ai trouvé la définition suivante, à la page 1422: «at first sight; on the face of it» (à première vue; en apparence).

J'ai ensuite consulté le dictionnaire The Shorter Oxford English Dictionary, et j'y ai trouvé la définition suivante de prima facie: «At first sight; arising at first sight; based on the first impression» (à première vue; première apparence; d'après la première impression).

Aujourd'hui, nous ne demandons pas à la présidence de constater une atteinte au privilège. Nous ne lui demandons pas de statuer s'il y a eu ou non atteinte aux privilèges du Sénat. Nous lui demandons si, à première vue, il y a suffisamment de preuves pour justifier que la question soit renvoyée à un comité sénatorial qui pourra l'étudier comme il se doit. Voilà la question dont nous sommes saisis actuellement.

En terminant, je tiens à dire que, comme le sénateur Kinsella, je pense qu'un tort a été fait. Je veux aussi signaler que même si le sénateur Kinsella a mentionné le projet de loi C-55, il n'a jamais dit expressément le titre du projet de loi. Je veux le faire. Voici son titre: «Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques». Je veux aussi signaler que le projet de loi C-55 émane du Parlement du Canada et que tous les travaux au sujet d'un projet de loi, que celui-ci émane du Sénat ou de la Chambre des communes, sont des travaux du Parlement. C'est ainsi qu'on les désigne.

Honorables sénateurs, j'aurais aimé avoir plus de temps pour me préparer. Néanmoins, je conclurai mon intervention en demandant à Votre Honneur d'accorder à cette question l'attention la plus judicieuse parce que l'article lui-même est si insultant qu'il n'appelle aucune explication. J'estime, à première vue, qu'il s'agit d'une tentative visant à embarrasser la ministre Copps afin de la mater. C'est une technique qui est utilisée souvent dans la société de nos jours. Je puis dire aux sénateurs que j'en ai fait moi-même l'expérience. C'est un procédé vulgaire et brutal qui vise à embarrasser et à insulter la victime.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, je suppose que les parlementaires des deux Chambres partagent le haut-le-coeur du sénateur Kinsella, et je ne doute pas que les parlementaires de sexe féminin des deux Chambres le font doublement. J'ai été assez émue que la question ait été soulevée par un homme.

J'estime qu'il vaut également la peine de mentionner que Mme Copps a réagi à cette grave insulte avec une dignité admirable et une remarquable indulgence.

J'ai écouté mes savants collègues parler de privilège parlementaire, de tradition parlementaire, de l'effet juridique du projet de loi sur l'éditeur et de l'identité des publicitaires. Ces questions-là sont toutes pertinentes, mais je pense que nous en avons oublié une qui est tout aussi pertinente, à savoir la liberté d'expression, la liberté de presse, la liberté de parole.

La liberté de parole n'est pas garantie dans la Constitution pour faire plaisir aux publications respectables; elles n'ont pas besoin d'une telle protection. Dieu sait que Hustler n'entre pas dans cette catégorie. Cette revue est carrément répugnante et ce qu'elle a fait dans ce cas est absolument écoeurant. Il me semble cependant que, quand on entre en politique et plus particulièrement au Parlement, il faut s'attendre à faire l'objet d'attaques personnelles brutales. C'est le prix à payer parce qu'on a le bonheur de vivre dans une démocratie. Je crois que la plupart d'entre nous se plient de bonne grâce à cette exigence. Notre responsabilité est moins grande que celle de nos collègues de l'autre endroit. Nous devons cependant tous nous dire, lorsque nous passons la barrière de la rue Wellington, que c'est comme dans notre profession, parce que, dans un régime démocratique, un débat vigoureux a sa place, même s'il donne parfois lieu à des excès.

Je n'approuve en rien ces extrêmes. Cependant, nous avons des lois pour régir les activités de la presse. Il existe des lois sur les libelles diffamatoires. Il existe des lois contre la propagande haineuse. Ce sont de bonnes lois et elles existent pour protéger tous les citoyens canadiens, pas uniquement les parlementaires.

(1720)

Je crois que nous établirions un malheureux précédent si nous déclarions que les privilèges du Parlement doivent s'étendre aux commentaires, aussi répugnants soient-ils, parus dans une publication légale. Je crois que cela serait équivalent à réclamer des privilèges allant plus loin que les privilèges accordés aux citoyens que nous sommes censés servir au Sénat. Je serais très déçue de nous voir établir un tel précédent.

Le sénateur Stewart: Puis-je poser une question à l'honorable sénateur? Un argument intéressant et d'une grande portée a été avancé. L'honorable sénateur semble donner à entendre que les parlementaires devraient s'en remettre aux mêmes lois et se soumettre aux mêmes sanctions que le commun des mortels qui se trouve au-delà des barrières de la rue Wellington, pour reprendre son expression. J'essaie d'imaginer un tribunal qui entendrait un procès civil contre les éditeurs et les distributeurs de Hustler. S'agirait-il d'un recours collectif par tous les membres des deux Chambres du Parlement? Comment les choses se dérouleraient-elles? Madame le sénateur veut-elle dire que cela serait tellement difficile qu'une telle poursuite serait infaisable, ce qui serait tant mieux?

Le sénateur Fraser: Je ne voulais pas parler d'un recours collectif, sénateur. Je voulais dire que nous devrions simplement nous retenir et ne pas réagir devant cet exercice particulièrement répugnant de la liberté d'expression.

Le sénateur Stewart: Dans tous les cas semblables?

Le sénateur Fraser: Je crois que, d'après un des précédents cités plus tôt, les situations de ce genre devraient être jugées au cas par cas. Lorsque la liberté de parole et la liberté d'expression sont en cause, je crois que nous devrions faire preuve d'une grande prudence en faisant valoir nos privilèges.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, madame le sénateur n'adopte pas une position catégorique, mais dit que chaque situation devrait être traitée de façon individuelle. Je suppose que c'est pour cette raison que le sénateur Kinsella a soulevé la question auprès du Président du Sénat. Si la question est jugée fondée sur des présomptions suffisantes par le Président du Sénat, une décision subjective guidée par les précédents, alors elle sera soumise au comité de façon individuelle, comme madame le sénateur l'a suggéré.

Autrement dit, madame le sénateur ne dit pas que le Sénat et la Chambre des communes ne peuvent pas défendre leur immunité contre une attaque aussi scandaleuse et répugnante, mais que c'est une de ces questions qui doivent être examinées au cas par cas selon nos procédures normales.

Le sénateur Fraser: À mon avis, le simple fait que cet article soit scandaleux, répugnant, vulgaire et généralement dégoûtant ne satisfait pas au critère «à première vue». Je suis d'avis que l'atteinte à nos privilèges devrait être plus grave encore pour répondre à ce critère.

Le sénateur Stewart: Ce n'est pas ce que vous disiez plus tôt.

Le sénateur Cools: Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une autre question?

Le sénateur Fraser: Certainement.

Le sénateur Cools: En décembre 1976, la Chambre des communes a statué qu'il y a eu une atteinte aux privilèges. À titre de journaliste, l'honorable sénateur est très au courant de l'affaire, si je ne m'abuse. Je ne me rappelle pas de la date exacte, mais c'était vers la fin de décembre. Il me semble que la motion concernant la violation de privilège avait été proposée par Allan McEachen. Je n'ai pas le texte en main et j'en parle donc de mémoire, mais il me semble que la décision condamnait le Globe and Mail ou sa rédaction pour les propos qui avaient été publiés au sujet du Président de la Chambre des communes, qui était alors James Jerome, si je ne me trompe. Madame le sénateur pourrait-elle me dire si c'était là un exercice approprié des privilèges du Parlement?

Le sénateur Fraser: Je suis désolée, mais je ne me souviens pas assez clairement de ce cas pour porter un jugement. Je me rappelle qu'un jour, le journal pour lequel je travaillais à l'époque, la Gazette de Montréal, risquait d'être convoqué à la Chambre pour une raison qui m'échappe. Je suis presque certaine qu'il n'y a pas eu de répercussion grave dans ce cas. Toutefois, d'après ce dont je peux me rappeler, il s'agissait, dans l'affaire mentionnée, de beaucoup plus que d'une insulte faite à un député.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Votre Honneur, je ne vous envie pas du tout d'avoir à porter un jugement sur le cas dont nous sommes saisis. Il est évident que l'article en cause est assez choquant. Comme la plupart d'entre vous, sinon vous tous, je ne l'ai pas lu. Toutefois, j'ai lu des commentaires à ce sujet. Vous et vos collaborateurs aurez une excuse pour aller en acheter un exemplaire puisque vous en aurez probablement besoin pour rédiger les motifs de la décision.

Oui, c'est très choquant. Je dois dire que lorsque vous lisez un article semblable, cela vous fait songer à vos propres expériences en tant que femme en politique et à vous demander ce qui est comparable à cela. Je me souviens d'avoir reçu une carte peu de temps après avoir été élue à l'Assemblée législative du Manitoba. Au recto, on pouvait lire la question suivante: «Quels mots ayant au total treize lettres décrivent ce dont vous avez besoin?» J'ai ouvert la carte et à l'intérieur on pouvait y lire: «Une bonne botte». C'est ce genre d'attaques dégradantes, particulièrement à l'endroit des politiciennes, qui, selon moi, vous fait éprouver beaucoup de compassion à l'endroit de Mme Copps. Par conséquent, j'ai été heureuse de voir que le sénateur Kinsella ne s'est pas concentré sur l'insulte faite à Mme Copps personnellement, mais qu'il ait plutôt traité de l'atteinte à nos privilèges en tant que parlementaires.

Une prétention à première vue fondée, comme le sénateur Cools l'a si bien expliqué, serait celle de savoir si nos privilèges ont été menacés au point qu'il faille examiner la situation en tenant compte des contre-arguments très solides fournis par le sénateur Fraser relativement à la liberté d'expression. Votre Honneur, nous vous demandons en quelque sorte de jouer le rôle de Salomon.

Il y a deux commentaires dans l'ouvrage de Beauchesne qui, selon moi, ont une certaine pertinence. Il s'agit des commentaires 93 et 99. Le commentaire 93 dit:

On convient généralement que toute menace faite à un député, ou toute tentative d'influencer son vote ou son comportement, constitue une atteinte aux privilèges de la Chambre.

Le commentaire 99 dit:

Il va de soi que des menaces directement adressées à un député en vue d'influencer son comportement à la Chambre constituent des atteintes au privilège.

(1730)

Par conséquent, il convient ici de décider s'il s'agissait, de quelque façon que ce soit, d'une menace directe. Était-ce une tentative faite afin d'influencer le vote? C'est à vous qu'il incombe de trancher, Votre Honneur.

Toutefois, je pense que le comportement de la ministre Copps indique clairement qu'elle ne réagit pas à la menace et que celle-ci n'influera aucunement sur son vote.

La question dont nous sommes saisis n'est donc pas facile. Il s'agit d'une de ces questions où la tête dit une chose - c'est à tout le moins mon cas - et le coeur dit tout à fait autre chose. Je dois toutefois laisser parler ma tête et dire que la question de privilège ne me paraît pas à première vue fondée.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire participer au débat, je tiens à remercier tous ceux qui y ont pris part. C'est une question très difficile, comme le sont généralement les questions de privilège, et je vais donc prendre l'affaire en délibéré.

Je puis dire à l'honorable sénateur Kinsella que je n'ai rien lu à ce sujet. A-t-il un exemplaire de l'article?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, on peut se procurer un exemplaire de la publication en question à la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Cools: Je serais heureuse de déposer ce que j'ai ici, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Je vais faire venir l'article par la bibliothèque. L'affaire est prise en délibéré, et j'en rendrai compte aussitôt que possible.

 

L'histoire des Chinois au Canada

Interpellation

L'honorable Vivienne Poy, ayant donné avis le 8 décembre 1998:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'histoire des Chinois au Canada.

- Honorables sénateurs, je parle aujourd'hui d'un groupe de Canadiens qui, pendant plus de 211 ans, ont aidé à l'édification de ce grand pays. C'est l'histoire des Chinois canadiens. Je vais commencer par une histoire mystérieuse, je raconterai ensuite ce qui est arrivé avant et après l'adoption de la Loi d'exclusion des Chinois de 1923, jusqu'à la fin de la discrimination légale.

Les premiers Chinois sont arrivés en Amérique du Nord britannique en 1788, amenés par John Meares de la colonie portugaise de Macao en Chine du Sud où Meares vendait des fourrures aux marchands chinois pour la fabrication des robes des mandarins. Le groupe se composait de 50 à 70 manoeuvres et charpentiers. Ils arrivèrent à la baie Nookta, dans l'île de Vancouver, au début juin. Tandis que Meares poursuivait son commerce avec le sud, les Chinois entreprirent de construire un petit goélette, le North West America, et un fort de deux étages.

Les Espagnols se targuant de l'avoir découverte les premiers, disputèrent sa terre à Meares, attaquèrent le fort et confisquèrent le North West America ainsi que d'autres navires. Le sort des charpentiers chinois resta un mystère. Selon certains rapports, ils auraient été capturés par les Espagnols et emmenés au Mexique. Selon d'autres rapports, ils auraient vécu avec la bande indienne de Nootka, puis seraient allés s'établir à l'intérieur des terres avec leurs femmes autochtones. Quoi qu'il en soit, après une génération ou deux, on avait perdu leurs traces. Soixante ans devaient s'écouler avant que les Chinois ne fassent leur réapparition en Amérique du Nord britannique.

Avant la Loi de l'immigration chinoise de 1923, malgré un décret pris en 1712 par Kangxi, grand empereur des Qing, selon lequel quiconque avait l'intention de rester à l'étranger devait être ramené et décapité, les Chinois émigrèrent en masse au milieu du XIXe siècle pour échapper à l'explosion démographique en Chine du Sud et aux problèmes auxquels se heurtaient les paysans de la province de Guangdong. Jusqu'à 90 p. 100 des paysans perdirent leurs terres. Étant donné qu'il n'y avait pas d'industrialisation en Chine, l'excédent des paysans sans terres dut se tourner ailleurs pour chercher de nouveaux débouchés économiques.

Avec l'abolition du commerce des esclaves en Europe, les colons européens avaient désespérément besoin de main-d'9uvre dans leurs colonies. En Chine, le gouvernement mandchou en déclin de la dynastie des Qing se vit forcé par les puissances européennes d'ouvrir les ports en vertu de certains traités. Les commissaires de la Grande-Bretagne et de la France firent pression pour l'adoption d'une mesure législative concernant l'émigration de coolies. Pour mettre fin aux enlèvements d'hommes chinois par les coolies le long de la côte du Guangdong, l'émigration fut réglementée. Toutefois, les enlèvements se poursuivirent.

La découverte d'or en Californie et plus tard en Colombie-Britannique et en Australie poussèrent un grand nombre de Chinois à émigrer. Au cours des huit premiers mois de 1850, 50 000 Chinois immigrèrent en Californie. En 1858, à la suite de l'annonce de la découverte d'or dans la vallée du Fraser, des milliers de Chinois vinrent de San Francisco s'installer en Colombie-Britannique. Ceux qui avaient l'intention de travailler dans les mines d'or ne savaient pas qu'ils ne pouvaient pas le faire tant que les mineurs blancs étaient encore là.

En Colombie-Britannique, après la ruée vers l'or, les mineurs individuels qui étaient partis furent remplacés par des compagnies minières, chinoises pour la plupart. De nombreux Chinois se lancèrent dans le secteur des services dans les villes minières. Victoria devint le principal centre d'immigration pour les Chinois arrivant en Amérique du Nord.

À l'époque le Canada n'était pas encore un pays et les Chinois, en dépit d'une certaine discrimination, avaient les mêmes droits que les blancs. La Loi de 1861 sur les étrangers stipulait qu'un étranger qui habitait depuis trois ans dans la colonie et qui prêtait serment d'allégeance et de résidence avait les mêmes droits que les sujets britanniques.

En 1860, le Times de Londres écrivait que:

 

... aucune distinction
... n'était...

 

faite à leur endroit
... c'est-à-dire contre les Chinois...

 

dans les colonies, la majorité de la population est heureuse de les voir arriver...
Un article publié en 1861 dans le Victoria British Colonist disait ceci:

 

Nous avons suffisamment de place pour des milliers de Chinois [...] il ne fait aucun doute que leur industrie leur permet de contribuer largement à nos propres revenus...
Toutefois, l'agitation contre les Chinois débuta quand la Colombie-Britannique commença a avoir des problèmes économiques. À partir de 1866, les bonnes concessions pour l'exploitation des placers deviennent difficiles à trouver et les Chinois étaient souvent vus comme des concurrents prêts à demander un salaire moindre que les mineurs blancs.

Le 20 juillet 1871, la Colombie-Britannique devient une province canadienne. Au cours de la première session après avoir adhéré à la Confédération, la province adopte une modification à la Qualifications of Voters Acts qui ôte le droit de vote aux Indiens et aux Chinois. Bien que les Chinois n'aient été rayés de la liste des électeurs qu'en 1875, en janvier 1873, on les empêche de voter à Nanaimo en leur interdisant physiquement d'entrer dans les bureaux de scrutin. Le Colonist a approuvé cette loi, la qualifiant de sensée, et il a parlé des Chinois comme des esclaves «païens» qui n'avaient pas le droit de se présenter aux urnes à côté des autres Canadiens. Ceci, honorables sénateurs, s'est passé treize ans après la naissance du premier Chinois au Canada.

La première société antichinoise a vu le jour en mai 1873, à Victoria.

Jusqu'à la fin des années 1870, le gouvernement fédéral n'a jamais tenu compte des demandes antichinoises en provenance de la Colombie-Britannique. Sir John A. Macdonald a affirmé aux députés de la Colombie-Britannique que s'ils désiraient un chemin de fer, ils devraient accepter la présence des travailleurs chinois.

Le chef de l'opposition, Alexander Mackenzie, a affirmé que:

 

[...] le principe voulant que certaines classes de la famille humaine ne puissent être considérées comme des habitants [...] serait à la fois dangereux et contraire au droit des gens et à la politique régissant le Canada.
Le Canada comptait alors sur la main-d'oeuvre à bon marché que représentaient les travailleurs chinois. Ces derniers étaient payés 1,35 $ par jour alors que les travailleurs blancs avaient droit à 2 $ par jour.

Pour pouvoir s'adapter à un environnement plutôt hostile, les Chinois ont mobilisé à peu près toutes les ressources dont ils pouvaient disposer, y compris l'aide de parents éloignés, ce qui leur a permis de survivre sur une terre étrangère et de fonder des commerces ethniques. La culture chinoise a joué un rôle important dans l'adaptation et la survie de ces immigrants au Canada.

Des travailleurs chinois ont été engagés de 1881 à 1884 pour construire le chemin de fer du Canadien Pacifique. Dix-sept mille Chinois sont venus au Canada pour combler les graves pénuries de main-d'oeuvre locale. Les travailleurs chinois recevaient la moitié du salaire des Blancs. Les responsables du chemin de fer faisaient affaire avec des compagnies chinoises qui se chargeaient de recruter les travailleurs en Chine, à Hong Kong et aux États-Unis. Henry Cambie, ingénieur-arpenteur du chemin de fer du CP les a décrits comme étant un «groupe d'hommes très solides et des plus compétents».

La main-d'oeuvre chinoise a contribué de façon importante au développement économique de la Colombie-Britannique, comme l'a démontré la commission royale de 1885.

(1740)

Sir Matthew Begbie, juge en chef de la Colombie-Britannique, a dit:

 

Je ne vois pas comment la population s'en tirerait sans les Chinois. Ils font très bien ce que les femmes blanches sont incapables de faire, et font ce que les hommes blancs refusent de faire. [...] Ils constituent les trois quarts de la main-d'oeuvre dans toutes les conserveries de saumon; ils représentent la très grande majorité des journaliers qui sont employés dans les mines d'or; ils sont les horticulteurs modèles de la province, et ont produit la majeure partie des légumes cultivés ici; ils sont considérés comme absolument indispensables à la construction du chemin de fer...
Les politiciens de la Colombie-Britannique pressaient le gouvernement du Dominion d'intervenir face à ce qu'on appelait une menace publique, les Chinois. En 1883, le premier ministre Macdonald a déclaré franchement à la Chambre des communes:

 

Ce sera très bien d'exclure la main-d'oeuvre chinoise lorsque nous pourrons la remplacer par des travailleurs de race blanche, mais, en attendant, il est préférable d'avoir une main-d'oeuvre chinoise que pas de main-d'oeuvre du tout.
Cela prouvait que le contrôle de l'immigration chinoise par voie législative était inévitable dès que le chemin de fer du CP serait terminé.

Beaucoup de gens ont perdu la vie en construisant le chemin de fer. Sur les 350 milles reliant la Colombie-Britannique au reste du Canada, 700 Chinois sont morts. Ainsi, deux travailleurs chinois sont morts pour chaque mille de chemin de fer. La vie était terriblement dure. Les accidents étaient fréquents. Les conditions de vie étaient si mauvaises que les Chinois ne recevaient aucun traitement médical. L'hiver était particulièrement rude pour ces hommes du sud de la Chine qui n'étaient pas préparés pour les hivers froids. On signalait des épidémies et le scorbut, qui tuaient des centaines de gens vivant le long des voies ferrées. Lorsque les travaux ont été terminés sur une portion du chemin de fer, dans le canyon Fraser, on a congédié les travailleurs chinois, les laissant dans la misère, dans de petites villes construites le long des voies ferrées.

Avec l'achèvement du chemin de fer du CP en 1885, des milliers de Chinois se sont retrouvés sans travail. Bon nombre sont partis vers les Prairies et l'est du Canada. Un millier d'entre eux sont retournés en Chine. La plupart sont demeurés en Colombie-Britannique.

Au cours de la même année, le gouvernement fédéral a adopté la Loi de l'immigration chinoise, qui imposait un impôt d'entrée de 50 $ applicable à toute personne d'origine chinoise entrant au pays, à quelques exceptions près. En 1900, cet impôt a été haussé à 100 $.

Selon la commission royale de 1902, sur la question de l'immigration chinoise et japonaise, on avait décidé de n'imposer aucun impôt d'entrée aux Japonais tandis que, pour les Chinois, on le haussait à 500 $.

À partir du tout début jusque après la Seconde Guerre mondiale, les Chinois n'ont représenté qu'un très petit nombre au sein de la société canadienne. Le retrait de leurs droits de citoyens, le fait qu'ils soient exclus aux fins de l'immigration et les restrictions à l'emploi qui leur étaient imposées ont été admis légalement par l'État et officialisés.

L'exclusion des Chinois avait, incidemment, bénéficié à de nombreux groupes d'intérêts. C'est donc devenu un moyen de consolider les syndicats et de marquer des points politiques.

Leur exclusion sur le plan économique a duré longtemps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les possibilités offertes aux Chinois étaient si limitées que ceux-ci ont commencé à se lancer en affaires pour gagner leur vie et créer des emplois pour les leurs. En 1895, la chambre de commerce chinoise était créée à Vancouver.

En 1907, des émeutes antiasiatiques se sont répandues dans tout le quartier chinois de Vancouver. Elles se sont produites quand une section de l'organisation Asiatic Exclusion League a organisé un rassemblement dans la soirée du 27 septembre. Ceux qui ont pris la parole ont réclamé un Canada de race blanche. Craignant la discrimination, des Chinois se sont dirigés vers l'Est vers la fin du XIXe siècle. La plupart de ceux qui se sont installés dans les provinces des Prairies et de l'Est du Canada sont devenus propriétaires de petites entreprises ou de jardins maraîchers.

Peu importe où les Chinois sont allés, ils ont toujours été victime de discrimination. En 1882, une épidémie de variole à Calgary a entraîné la destruction de laveries chinoises par une foule de 300 personnes. Au cours des décennies suivantes, des Chinois habitant dans les trois provinces ont été privées de leurs droits et des restrictions ont été imposées sur l'emplacement des laveries chinoises, parce que les habitants de race blanche se plaignaient que les laveries diminuaient la valeur de leurs propriétés.

Dans une décision rendue par la Cour suprême, en 1914, dans l'affaire Quong-Wing c. le Roi, sur l'interdiction faite aux employeurs chinois d'embaucher des femmes de race blanche, le juge Davies a statué ainsi:

 

[...] le mot «chinois» tel qu'il est utilisé dans la loi [...] désigne des hommes d'une race ou d'un sang particulier [...] qu'il s'agisse d'étrangers ou de naturalisés...
Pendant la Première Guerre mondiale, le Canada a de nouveau eu besoin de la main-d'oeuvre chinoise. En 1917, les employeurs de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et de la Saskatchewan ont proposé d'importer des travailleurs chinois pour combler la pénurie de main-d'oeuvre. La même année, la Loi des élections en temps de guerre retirait aux Chinois le droit de voter aux élections fédérales. Au cours des deux dernières années de la guerre, la situation de l'emploi chez les travailleurs chinois s'est améliorée. Le Canada accueillait 4 000 nouveaux immigrants chinois par année, et les collectivités chinoises prospéraient.

À la fin du conflit mondial, la population blanche a de nouveau été assaillie de craintes, non seulement à cause de la hausse de l'immigration, mais aussi parce que les Chinois commençaient à occuper de nouvelles fonctions, à acquérir des terres et à exploiter des fermes. Même les restaurants qui appartenaient à des Chinois et qui servaient des mets canadiens n'étaient pas à l'abri des attaques.

Permettez-moi maintenant d'aborder la Loi de l'immigration chinoise de 1923. Au début des années 1920, l'économie canadienne a traversé une période de récession attribuable à la fermeture de nombreuses usines de guerre et au retour au pays des anciens combattants qui cherchaient du travail. Encore une fois, la population blanche a éprouvé beaucoup de ressentiment à l'endroit des Chinois. Le gouvernement canadien a adopté la Loi de l'immigration chinoise en 1923 pour interdire, pendant 24 ans, l'entrée au pays aux immigrants provenant de la Chine.

Lorsque la loi d'exclusion est entrée en vigueur le 1er juillet 1923, jour de la Fête du Dominion, les Sino-Canadiens l'ont appelé «jour de l'humiliation» et ont refusé de prendre quelque part que ce soit aux célébrations de la Fête du Dominion durant plusieurs années par la suite.

Pendant la grande crise économique, les Chinois de l'Alberta ont touché des paiements de secours de 1,12 $ par semaine, moins de la moitié du montant versé au reste de la population dans le besoin. Malgré cela, beaucoup de familles agricoles des Prairies doivent leur survie au crédit que leur accordaient les commerçants chinois pour acheter les produits de nécessité quotidienne au cours de ces années difficiles.

Malgré cette grande adversité, la croissance des commerces chinois au cours des années 20 et 30 témoignait de leur effort fructueux pour se créer un créneau économique en évitant la concurrence des travailleurs blancs et des entreprises des Blancs.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, 500 Chinois ont servi dans l'armée canadienne. Certains sont devenus des agents secrets au sein de la direction britannique des opérations spéciales, surtout en Asie du Sud-Est où ils travaillaient derrière les lignes ennemies. Je citerai par exemple Douglas Jung, qui est devenu en 1957 le premier Sino-Canadien élu au Parlement fédéral. Jung était né à Victoria, mais son père avait fait enregistrer sa naissance auprès des autorités canadiennes de l'immigration. On avait délivré à son égard un document portant la mention «ce certificat n'établit pas de statut juridique au Canada».

(1750)

Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Jung et ses frères se sont enrôlés. Tandis qu'un de ses frères débarquait en Normandie au Jour J et qu'un autre devenait pilote au sein de l'ARC, Jung contribuait à rassembler 12 soldats sino-canadiens venus de tous les coins du Canada qui se sont proposés pour servir dans le Pacifique. Leur opération était tellement secrète que seuls deux officiers supérieurs canadiens du commandement du Pacifique au quartier général connaissaient leur existence. On accordait si peu de chances de succès à leur mission qu'on lui avait donné pour nom de code «Opération Oubli».

Le groupe a servi avec grande distinction et quatre de ses douze membres ont reçu des médailles militaires de bravoure sur le champ de bataille. Aucune autre formation militaire canadienne n'a reçu une proportion aussi élevée de décorations.

À propos de la fin de la discrimination légale, après la Seconde Guerre mondiale, les anciens combattants canadiens d'origine chinoise ont réclamé le droit d'être reconnus comme citoyens canadiens. La loi restreignant l'immigration chinoise a été abrogée en 1947, ce qui a ouvert les portes du Canada aux femmes et enfants non mariés de moins de 18 ans de ces Canadiens d'origine chinoise. La même année, ceux-ci ont récupéré le droit de vote. Depuis un an seulement, les Chinois de la Colombie-Britannique pouvaient travailler dans les professions libérales comme juristes, comptables, médecins, et cetera.

Lorsque les libéraux se sont emparés du pouvoir, en 1963, il était évident qu'il fallait revoir la politique canadienne de l'immigration pour éliminer la discrimination. Le 1er octobre 1967, sous le gouvernement de Lester B. Pearson, un système de points a été adopté pour évaluer les immigrants. Ce fut le début d'une nouvelle ère pour les immigrants Chinois, et des immigrants plus instruits sont venus au Canada.

En 1971, la politique nationale de multiculturalisme était implantée et le quartier chinois de Vancouver était désigné comme lieu historique. La Loi de 1976 sur l'immigration, entrée en vigueur sous le gouvernement du premier ministre Trudeau, a apporté de nouvelles modifications à la politique canadienne et marqué la fin de la discrimination institutionnelle au Canada.

Toutefois, les mentalités sont beaucoup plus difficiles à changer. En 1979, le réseau CTV a diffusé l'émission «Campus Give-away», accusant les universités canadiennes d'admettre des étudiants chinois ayant de meilleurs titres de compétence que des étudiants canadiens blancs et affirmant que les places dans l'enseignement supérieur étaient prises par des «étudiants étrangers». L'émission laissait entendre que les étudiants qui avaient l'air chinois étaient étrangers, qu'ils soient nés au Canada, qu'ils soient naturalisés ou qu'ils aient un visa d'étudiant. Cette émission a suscité des protestations de toute la communauté chinoise du Canada et a mené, en 1984, à la création du Conseil national des Canadiens chinois. Le conseil a alors lancé une campagne pour obtenir que le gouvernement fédéral rembourse la capitation autrefois imposée aux immigrants chinois. Le CNCC a exercé des pressions auprès des ministres et a organisé, en 1992, un rassemblement à Ottawa.

Dans une lettre adressée, le 14 décembre 1994, à six communautés culturelles, soit la juive, la chinoise, l'allemande, l'indienne, l'italienne et l'ukrainienne, la secrétaire d'État chargée du Multiculturalisme et de la Condition féminine, Sheila Finestone, déclarait que le gouvernement n'accorderait pas la compensation financière demandée. Toutefois, on a annoncé la création de la Fondation canadienne des relations raciales, avec pour mandat de travailler à l'élimination de la discrimination raciale.

Les mesures législatives gouvernementales peuvent simplement établir les paramètres juridiques, mais elles n'ont pas prise sur ce que les gens pensent, malgré le fait que, depuis les années 50, de nombreux Canadiens d'origine chinoise se sont illustrés dans de nombreux domaines et professions, à l'échelle nationale et internationale, et que les entreprises et investissements des Chinois ont été une grande source de prospérité pour notre pays. En juillet 1995, Carole Bell, le maire suppléant de Markham, en Ontario, s'est attiré les foudres de la communauté chinoise en déclarant que les habitants de Markham étaient chassés de leur ville par les Chinois et leurs entreprises. Il est difficile de changer les attitudes. La différence, de nos jours, c'est que lorsque les Chinois arrivent, le prix de l'immobilier augmente.

Sun Zi explique, dans L'art de la guerre, un ouvrage chinois rédigé il y a 3 000 ans, qu'il est plus efficace d'attaquer l'esprit que d'attaquer une ville. Dans la même optique, honorables sénateurs, il est plus efficace de changer l'attitude des gens à l'égard de la discrimination raciale par le biais de la sensibilisation que de modifier les lois de notre pays.

À titre de Canadienne fière de l'être, j'invite mes honorables collègues à conjuguer leurs efforts afin d'atteindre cet objectif.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut intervenir, le débat sur cette interpellation sera considéré comme terminé.

 

Peuples autochtones

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Charlie Watt, conformément à l'avis donné le 9 décembre 1998, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à siéger à 16 heures les mardis pour le reste de la présente session, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Non.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il y a eu des discussions de part et d'autre de l'enceinte sur cette question, et nous avons consulté le sénateur Watt. Tout le monde s'entend pour que l'heure de la réunion soit 17 heures au lieu de 16 heures. J'estime que ce changement devrait être adopté à l'unanimité.

Son Honneur le Président: Y a-t-il consentement unanime pour que l'on modifie le libellé de la motion en substituant 17 heures à 16 heures?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 3 février 1999, à 13 h 30.)

 


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